: Reportage "Nous, on fait confiance à l'État et aux juges" : dans le fief d'Erdogan à Istanbul, ces partisans soutiennent de "tout cœur" le président
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"Une action de défiance contre le fascisme", clame le patron du parti d'Ekrem Imamoglu à la sixième nuit de manifestations en Turquie, après l'arrestation du maire d'Istanbul. Accusé de corruption, il a été incarcéré dimanche 23 mars sur des accusations de corruption. La mobilisation est toujours massive dans les rues de la capitale économique comme dans d'autres villes du pays. Qu'en pensent les électeurs de l'AKP, dans le fief du président Recep Tayyip Erdogan à Istanbul ?
Dans la rue centrale de Kasımpaşa, Esra, le voile bien ajusté, n'a aucun doute : Imamoglu mérite d'être incarcéré, il aurait même dû être arrêté plus tôt. "Le gouvernement aurait dû faire des recherches avant sur celui qu'on a emprisonné. Si on avait pu vérifier avant la validité du diplôme d'Imamoglu, on n'en serait pas là." C'est en effet l'une des accusations qui pèsent sur le maire d'Istanbul, la justice a annulé son diplôme universitaire, sésame indispensable pour briguer la présidence. Mais c'est pour des faits de corruption qu'il dort en prison. Arif, retraité, s'informe sur la télévision d'État, omniprésente dans un pays où près de 90% des medias sont contrôlés par le pouvoir, selon Reporters sans Frontières : "Cela fait six ans qu'Imamoglu saigne la ville, on ne le comprend qu'aujourd'hui. Il a raflé 562 millions de livres en un an. D'où il a eu tout ça ? On l'a dit à la télévision, c'est pour ce détournement de 562 millions qu'il a été arrêté."
Erdogan, "c'est notre grand frère"
Serré dans un blouson de cuir, Ihsan s'enorgueillit d'habiter la maison voisine de celle où est né le président. "L'État sait mieux que tout le monde, ils savent ce qu'ils font. Bien sûr qu'il y a dû y avoir quelque chose, assure-t-il. Nous, on fait confiance à l'État et aux juges. Quand on regarde les informations sur les réseaux sociaux, les décisions des juges sont fondées." Et il ne craint pas que les manifestants fassent vaciller le pouvoir. "Grâce à Dieu, Recep Tayyip Erdogan ne sera pas renversé. Ce n'est pas quelqu'un qui peut facilement chuter. Nous, on l'aime de tout notre cœur. C'est notre grand frère. Quand il frappe du poing, il casse tout", ajoute Ihsan.
Le risque de dérapage violent, inquiète Ur, coiffeur : "Hier, j'ai vu, ils ont lancé une hache sur la police. Elle était énorme. Et si la police avait riposté, cela aurait pu être très dangereux. Mais elle est restée digne."
Arif opine. Il a lui aussi vu les images largement relayées par les médias proches du gouvernement : "Ici, on a toujours eu la justice, mais si tu es pour la justice, pourquoi est-ce que tu vas aller attaquer la police et les militaires avec des haches et des couteaux ou des tournevis ? Ces émeutes si elles se déroulaient en France, en Angleterre ou aux Etats-Unis, ils seraient lourdement condamnés."
Certains électeurs se détournent de l'AKP et du président Erdogan, comme Hasan. "J'ai été membre de l'AKP, dit-il, mais j'ai senti que le pays allait mal. J'ai une fille, je pense à son avenir. J'ai décidé de rejoindre le CHP." Hasan assure qu'il défendra le maire d'Istanbul jusqu'à son dernier souffle. Mais les clameurs des manifestants n'ont pas encore atteint le fief du président.
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