"Signalgate", fuites en série et "purges" au Pentagone : comment Pete Hegseth s'est-il retrouvé assiégé par son propre camp ?

S'il bénéficie de la bienveillance de Donald Trump, le ministre de la Défense américain est lâché par les siens. Au fil des scandales et des révélations, les appels à congédier cette ancienne vedette de Fox News se multiplient chez les fidèles du président républicain.
Article rédigé par franceinfo
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Le ministre de la Défense américain, Pete Hegseth, à la Maison Blanche, à Washington (Etats-Unis), le 21 avril 2025. (BRENDAN SMIALOWSKI / AFP)
Le ministre de la Défense américain, Pete Hegseth, à la Maison Blanche, à Washington (Etats-Unis), le 21 avril 2025. (BRENDAN SMIALOWSKI / AFP)

Pete Hegseth "fait un travail formidable". En marge de la chasse aux œufs organisée chaque année à Pâques par la Maison Blanche, lundi 21 avril, Donald Trump a pris la défense du chef du Pentagone. En poste depuis janvier, cet ancien présentateur de la chaîne conservatrice Fox News, nommé ministre de la Défense par le président américain, croule sous le poids des scandales.

Alors que la presse multiplie les révélations concernant de potentielles atteintes à la sécurité nationale, Donald Trump a nié vouloir virer son poulain, attribuant ces "fake news" à d'anciens "employés mécontents" : "Il a été nommé pour se débarrasser d'un grand nombre de mauvaises personnes et c'est ce qu'il fait, alors vous n'avez pas toujours des amis quand vous faites cela", a balayé le président.

Mais Pete Hegseth ne s'est-il pas fait trop d'ennemis pour rester à la tête du Pentagone ? Autrefois fustigé par les démocrates pour son inexpérience, l'accusation d'agression sexuelle dont il fait l'objet et son rapport à l'alcool, le voici sous les feux de son propre camp. 

Des failles mises au jour par le "Signalgate"

Pour Pete Hegseth, les ennuis remontent au 15 mars. Ce jour-là, le ministre de la Défense partage sur l'application Signal des informations confidentielles concernant une frappe américaine sur les rebelles houthis, un groupe armé qui opère au Yémen. Il s'exprime alors dans une conversation créée par le conseiller à la Défense de Donald Trump, Mike Waltz, et dans lequel un journaliste du magazine The Atlantic a été invité par erreur.

Quand ce dernier révèle, le 24 et le 26 mars, la teneur des échanges entre les hauts responsables rassemblés dans le groupe (baptisé "Houthis PC small group"), les experts en sécurité nationale s'étouffent : comment ces hauts responsables ont-ils pu discuter de sujets si sensibles sur une messagerie, certes chiffrée, mais non sécurisée par les services spécialisés ? En partageant par ce biais des informations confidentielles, Pete Hegseth a-t-il mis en danger la vie des soldats américains qu'il a sous sa responsabilité ? L'inspecteur général du Pentagone a ordonné le 3 avril une enquête interne pour faire la lumière sur cette entorse au protocole.

Mais un autre scandale éclate le 20 avril dans les colonnes du New York Times. Là encore, il est question de l'usage cavalier de l'application Signal par le chef du Pentagone concernant les frappes menées au Yémen. S'appuyant sur des sources anonymes, le quotidien révèle que Pete Hegseth en a communiqué certains détails dans un second groupe de conversation, nommé "Defense | Team Huddle". Parmi les participants à ces échanges informels figurent des collaborateurs et des proches de Pete Hegseth, dont son frère ou encore son avocat. Si ces derniers travaillent au Pentagone, "on ne voit pas pourquoi l'un ou l'autre aurait eu besoin d'être au courant de frappes imminentes contre les houthis au Yémen", s'étonne le quotidien. Enfin, Jennifer Hegseth, épouse du ministre et ancienne journaliste chez Fox News, est également présente dans le groupe.

Ces nouvelles révélations soulignent à nouveau la présence controversée de Jennifer Hegseth auprès de son mari. Fin mars, le Wall Street Journal avait déjà révélé que celle-ci avait assisté, en février et en mars, à des discussions consacrées à l'Ukraine entre son mari et des hauts responsables militaires étrangers. Des échanges qui nécessitent en théorie le plus haut niveau d'habilitation.

Des fuites en pagaille au sein du ministère

Des fuites d'informations en pagaille ont émaillé les premiers mois de Pete Hegseth à la tête du Pentagone : un possible déploiement militaire au Panama, soufflé à la chaîne NBC ? Un projet de réunion au Pentagon visant à "briefer" le milliardaire Elon Musk sur l'état des relations entre Washington et Pékin, glissé au New York Times ? Selon Politico, les fuites faisant l'objet d'une enquête comprennent, outre ces deux scoops, des informations sorties dans la presse sur "un deuxième porte-avions en route vers la mer Rouge" ou encore "la suspension de la collecte de renseignements auprès de l'Ukraine". 

Pour couper le robinet à la source, le chef de cabinet de Pete Hegseth a ordonné une enquête, selon un mémo en date du 21 mars. Dans ce court texte, Joe Kasper promet que les employés suspectés d'être à l'origine de ces fuites pourront notamment être soumis au détecteur de mensonges.

Des accusations de "purge" au Pentagone

Dans la foulée de cette enquête, plusieurs collaborateurs de longue date de Pete Hegseth ont été mis à pied, puis limogés, ont annoncé vendredi plusieurs médias américains. Parmi eux figurent un haut conseiller, Dan Caldwell, ainsi que le chef de cabinet adjoint de Pete Hegseth, Darin Selnick. Les deux hommes comptaient parmi les alliés historiques du ministre et figuraient même, selon le New York Times, parmi les participants au groupe Signal "Defense | Team Huddle".

Sur les réseaux sociaux, les hauts responsables évincés ont rapidement fait part de leur incompréhension : "A ce jour, nous ignorons ce qu'il nous est reproché", ont-ils écrit dans un communiqué commun publié samedi. Qualifiant leur éviction d'"inadmissible", ils y assurent "[continuer] de soutenir la mission de l'administration Trump-Vance".

Quant à Joe Kasper, chef de cabinet de Pete Hegseth chargé de l'enquête sur les fuites, il devrait son poste dans les jours qui viennent pour un autre rôle au sein du Pentagone, a révélé Politico vendredi, citant à nouveau une source interne.

Mais "d'autres licenciements pourraient survenir, selon les rumeurs qui circulent au sein du cabinet", abonde l'éphémère porte-parole du Pentagone, John Ullyot. Dans une longue tribune publiée dimanche par Politico, celui qui fut la voix du ministère au tout début du mandat de Pete Hegseth décrit "un mois de chaos total" au sein de l'institution. Assurant Donald Trump de sa loyauté, il invite le président à se séparer de son ministre, qu'il accuse de "[présider] une purge étrange et déconcertante". "Au cours des trois premiers mois de son second mandat, Trump a poursuivi son excellent bilan en matière de sécurité nationale", poursuit-il dans ce texte flatteur à l'égard du chef de l'Etat. "Malheureusement, après un mois terrible, le Pentagone ne se concentre plus sur la guerre, mais sur un drame sans fin", déplore-t-il.

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