Reportage "Plus de 70 000 Palestiniens dépendent de nous" : à Jérusalem-Est, l'interdiction de l'Unrwa suscite de vives craintes

À partir de jeudi, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens n'a plus le droit de fonctionner en Israël, et notamment à Jérusalem-Est. Plusieurs dizaines de milliers de personnes dépendent de l'Unrwa pour leurs soins.
Article rédigé par Thibault Lefèvre
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Une femme entre au siège de l'Unrwa, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, à Jérusalem, le 29 janvier 2025. (MAGDA GIBELLI / EFE)
Une femme entre au siège de l'Unrwa, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, à Jérusalem, le 29 janvier 2025. (MAGDA GIBELLI / EFE)

Pour la première fois, un État démocratique va bannir de son territoire une agence des Nations unies. Le Parlement israélien a voté il y a trois mois une loi qui va s’appliquer à partir du jeudi 30 janvier. Elle interdit les activités de l’agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Israël, mais surtout à Jérusalem-Est, pourtant occupé et annexé depuis 1967.

Dans le camp de réfugiés de Shuafat, l'Unrwa gère le ramassage des ordures, les écoles et l'accès gratuit aux soins. Wadeh Abu Taleb montre son carnet de santé aux couleurs blanche et bleue des Nations unies. S'il peut "continuer à vivre", dit-il, c'est "grâce à l'ONU". L'homme de 72 ans a le statut de réfugié, il peut à ce titre bénéficier des services de l'agence. Il a travaillé toute sa vie dans des établissements scolaires et il est, pour quelques heures encore, traité pour plusieurs maladies chroniques à la clinique du quartier.

Un membre de l'Unrwa dans le camp de réfugiés de Shuafat, à Jérusalem. (THIBAULT LEFEVRE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Un membre de l'Unrwa dans le camp de réfugiés de Shuafat, à Jérusalem. (THIBAULT LEFEVRE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Pour son docteur, Ahmed Issa, la fin de l'Unrwa est un désastre. "Il dépend complètement de ce qu'on lui donne ici, déplore-t-il. Il n'a pas d'argent de côté ou d'assurance. Et puis c'est son droit, en tant que réfugié, d'être soigné ici." Au siège de l'Unrwa, toujours à Jérusalem-Est, les cartons sont bouclés et les locaux sont quasiment vides. "Ça a un petit côté fin des jours. C'est tragique."

L'accès à Gaza entravé

Comme le porte-parole de l'agence, Jonathan Fowler, les employés étrangers n'ont plus de visa à partir de jeudi. Ils continueront tout de même à travailler d'Amman, en Jordanie, mais avec beaucoup de questions en suspens. "C'est presque hallucinant de se dire qu'un Parlement a adopté une loi qui n'a créé que de l'incertitude, explique-t-il. En l'absence de l'Unrwa, c'est l'obligation de l'État d'Israël d'assurer le bien-être de la population sous occupation. Après, comment ça va se passer ? On ne sait pas, on n'en a aucune idée. On peut imaginer les scénarios. Le pire, c'est qu'ils n'aient plus le droit de fonctionner."

"On a quand même 70 000 personnes à Jérusalem-Est qui dépendent de nous pour leurs soins médicaux. Ce sont des gens qui sont en bas de l'échelle économique. Ils n'ont pas de solution abordable, donc c'est cauchemardesque."

Jonathan Fowler, porte-parole de l'Unrwa

à franceinfo

L'Unrwa opère aussi en Cisjordanie occupée et évidemment à Gaza, où l'agence gère la moitié des opérations humanitaires. À partir de jeudi, aucun de ses employés ne pourra communiquer avec des responsables israéliens, ce qui va évidemment entraver l'accès à l'enclave et, à terme, condamner les activités de l'Unrwa sur ces territoires. Des discussions sont en cours à l’ONU, mais, pour le moment, aucune alternative claire n’a émergé.

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