: Reportage "On est tous traumatisés psychologiquement" : la difficile reconstruction des Ukrainiens amputés pendant la guerre
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Ses béquilles posées en équilibre contre le mur, Artem Yavtoshenko est assis devant trois écrans. Sur celui du milieu, une image de sa jambe droite – celle qu'il a perdue dans une attaque de drone sur le front du Donbas en octobre 2024. "Je sens que j'ai une jambe, mais comme si elle était en plâtre et rigide, et j'essaye de la mettre droite", raconte l'ancien militaire de 39 ans. Comme d'autres patients de l'hôpital de Kiev où il est suivi, il bénéficie d'une technologie développée par une entreprise française pour aider les blessés amputés – civils et soldats.
Entre 25 000 et 50 000 personnes ont perdu une jambe ou un bras depuis le début de l'invasion russe, en 2022. Depuis trois ans, le système de santé ukrainien tente de s'adapter pour leur rééducation.
Artem Yavtoshenko tente de faire passer la sensation désagréable grâce au matériel envoyé par la société française Dessintey, via le Fonds Ukraine. "C'est un système qui aide nos patients à diminuer la sensation de leurs douleurs fantômes", souligne Xenia, interne en médecine, qui explique que cette thérapie miroir permet au patient de stimuler sa motricité et son cerveau pour que disparaissent les symptômes. Le but, c'est qu'Artem puisse récupérer le plus rapidement possible, car sa première réaction après son amputation a été de se demander "comment continuer à vivre dans cette situation ?"
"Dans six mois, j'aurai une prothèse et quand je l'aurai, je veux voyager un peu, me reposer de tout ça."
Artem Yavtoshenko, ex-soldat ukrainienà franceinfo
Dans cet hôpital de Kiev, la guerre a bouleversé les équilibres. Les patients amputés sont désormais bien plus nombreux. Et Marianna Brovtchenko, cheffe du département de rééducation, ne s'y fait pas : "Ce n'est pas possible de s'habituer à ça. C'est très dur. Nos vies à tous ont complètement changé." Et d'ajouter : "On pense qu’eux, avec les prothèses, ils reviennent à leur vie normale, tout va bien, mais non. Vivre avec une prothèse c'est très compliqué. On est tous traumatisés psychologiquement, et on subira des conséquences à long terme."
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Cette guerre est aussi en train de compromettre l'avenir de l'Ukraine, selon Marianna Brovtchenko. "Si ça s'arrêtait là tout de suite, je serai la plus heureuse. Ce sont les meilleurs enfants de l'Ukraine qui meurent là-bas. C'est plus grave que la perte des territoires. Si c'est le prix à payer, il faut arrêter maintenant", souligne la médecin. Un avis que partage Artem : "Nous n'avons plus les forces pour continuer cette guerre", déplore l'ancien combattant.
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