Récit "Dans tout le pays, les gens s'arrêtaient pour regarder ses matchs"... Quand le jeune Neymar bluffait le Brésil avec Santos

Retour sur les années brésiliennes de l'ex-star du PSG, qui a annoncé, jeudi, son retour là où tout a commencé en 2009.
Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Neymar célèbre la victoire de Santos en finale de la Coupe Libertadores, contre le Penarol, le 22 juin 2011, à Sao Paulo. (NELSON ALMEIDA / AFP)
Neymar célèbre la victoire de Santos en finale de la Coupe Libertadores, contre le Penarol, le 22 juin 2011, à Sao Paulo. (NELSON ALMEIDA / AFP)

Presque 12 ans après son départ, Neymar est de retour à Santos, le club brésilien avec lequel il a explosé aux yeux du monde. Sans même disputer de Coupe du monde, il avait réussi l'exploit d'attirer une partie de cette lumière médiatique habituellement tournée uniquement vers l'Europe. Entre 2009 et 2013, ses dribbles provocateurs ont circulé sur YouTube et sur les réseaux sociaux, qui n'en étaient encore qu'à leurs prémices.

"La première fois qu'on l'a vu, on s'est dit 'C'est incroyable, la foudre a de nouveau frappé à Vila Belmiro [le stade de Santos]. Elle nous a donné Pelé et elle nous donne maintenant Neymar'", se souvient le journaliste brésilien Juca Kfouri dans le documentaire Netflix Neymar, le chaos parfait (2022) [lien payant]. L'ascension de Neymar est celle d'un gamin des favelas tellement doué balle au pied qu'il est devenu une star nationale puis planétaire à seulement 18 ans. 

"Quand il est arrivé, on m'a dit que c'était un attaquant. Je me moquais de lui. Je lui disais 'Tu es trop maigre, les autres joueurs vont te briser en deux'".

Lima, légende du club de Santos

dans le documentaire Netflix, "Neymar : le chaos parfait"

Avant même d'enfiler la tunique noire et blanche de l'équipe première de Santos, "tout le monde parlait de lui" dans la région, retrace Eric Frosio, correspondant au Brésil pour L'Equipe, présent lors des premiers pas de la future star. Neymar est ce qu'on appelle l'archétype du wonderkid (du prodige promis à un grand avenir). Des caméras filment ses matchs de futsal alors qu'il entre à peine dans l'adolescence. Sa voix n'a pas encore mué qu'on lui demande déjà : "Comment gères-tu cette soudaine notoriété ?".

Neymarzettes, crête et publicités

Partout on parle de ce gamin qui fait des merveilles sur le terrain, au point qu'il est invité à un essai au Real Madrid en 2006, à 14 ans. Neymar impressionne les Galactiques. David Beckham se souvient d'un "grand joueur en devenir" et surtout d'un gamin "poli", "humble" et "enthousiaste". Il n'empêche que Neymar ne se sent pas encore prêt pour le grand saut. Dans des images d'archives, on le voit dire à son père que "ses amis" et "l'école" lui manquent. Plus âgé, il se rappelle de son incompréhension face à la manie des Espagnols de "mettre de l'avocat dans tous leurs plats".

De retour à Santos, il poursuit sa progression jusqu'à signer son premier contrat professionnel à 17 ans. "C'est le premier million que notre famille a touché", rapporte son père, omniprésent conseiller, dans le documentaire Netflix. Le 7 mars 2009, Neymar dispute son premier match contre Oeste FC et n'attend qu'une semaine pour inscrire son tout premier but contre Mogi Mirim. S'il est déjà capable d'inscrire 14 buts sur sa première saison pro, Neymar dit lui-même être passé dans un autre monde en 2010, en passant "de 0 à 100".

"Au bout de six mois, les choses avaient déjà pris une ampleur incroyable, rapporte Eric Frosio, qui a interviewé le prodige lorsqu'il avait 18 ans avant d'écrire un livre intitulé Neymar, le prince du Brésil (Solar, 2018). Je n'avais jamais vu ça. Le gars était tout simplement génial. Balle au pied, c’était hyperspectaculaire. C’était un mélange de Robinho, de Pelé, de Ronaldo aussi… Il parlait aux jeunes. Certaines adolescentes, les Neymarzettes, le suivaient comme une sorte de Justin Bieber. Elles attendaient leur idole à la sortie des vestiaires ou du stade pour l’embrasser, lui donner leur numéro de téléphone. C’est devenu un phénomène national. On l’a vu à la télé nationale dans des émissions comme celle de Michel Drucker. C’était le début d'une folie qui a duré pendant plus de trois ans".

Au terme de sa deuxième saison, Neymar ouvre son palmarès avec une Coupe du Brésil et un championnat Paulista (de la région de Sao Paulo). Il termine surtout soulier d'or brésilien avec 42 buts sur l'année toutes compétitions confondues. Ses excentricités capillaires, dont sa crête iroquoise, et ses célébrations chorégraphiées lui permettent déjà d'établir sa marque de fabrique. Le gamin marche sur l'eau et les tacles appuyés de ses adversaires n'ont aucun effet, il est inarrêtable.

Adoubé par Pelé

"C'était un show tous les mercredis et les dimanches. Dans tout le Brésil, les gens s'arrêtaient pour regarder ses matchs. Je me souviens d'une rencontre contre Cruzeiro en 2012 [4-0, triplé de Neymar]. Il avait été tellement fort que les fans de Cruzeiro s'étaient levés pour l'applaudir", raconte Marcelo Hazan, journaliste brésilien ayant assisté de près à l'éclosion du prodige. 

Neymar avec Santos contre le Deportivo Tachira en Copa Libertadores, à Sao Paulo, le 20 avril 2011. (NELSON ALMEIDA / AFP)
Neymar avec Santos contre le Deportivo Tachira en Copa Libertadores, à Sao Paulo, le 20 avril 2011. (NELSON ALMEIDA / AFP)

Dans le même temps, son visage juvénile apparaît dans une myriade de spots publicitaires, pour un déodorant, des marques de voitures, des sous-vêtements... Son père rapporte que les 500 000 dollars (482 000 euros) annuels alors touchés par son fils n'étaient qu'une infime partie de ses revenus par rapport à ceux générés par l'utilisation de son image (11 millions de dollars soit 10,6 millions d'euros). 

Plusieurs années avant de poser ses valises en France, où ses frasques ont agacé plus d'un fan de football, Neymar connaît ses premières polémiques. Lors d'un match contre Goias, il insulte son coach et son capitaine après ne pas avoir été désigné pour tirer un pénalty, et termine la rencontre en roue libre. "Quelqu'un doit lui apprendre une bonne leçon ou il deviendra un monstre", lâche alors René Simoes, coach de l'équipe adverse. Neymar, 18 ans, se présente quelques jours plus tard en conférence de presse pour adresser des excuses publiques. Six jours après les faits, c'est finalement son coach, Dorival - actuel sélectionneur du Brésil -, qui est licencié, preuve du nouveau statut de star intouchable atteint par Neymar.

En 2011, Neymar franchit un cap supplémentaire. Il remporte avec Santos la Copa Libertadores (l'équivalent de la Ligue des champions en Amérique du sud), marquant en finale contre le Penarol, devant des tribunes incandescentes et sous les yeux de l'illustre Pelé. "S'il veut me surpasser, il faudra qu'il marque 1 283 buts", rigole le Roi, qui sera détrôné en sélection 12 ans plus tard, Neymar améliorant sa marque de 77 buts avec la Seleçao (79 à l'heure actuelle).

S'il avait su, peut-être que Pelé, du genre orgueilleux, n'aurait pas été aussi élogieux quelques mois plus tard, avant que Santos n'affronte le Barça en finale de la Coupe du monde des clubs (défaite 0-4). "Individuellement, Neymar est meilleur que Lionel Messi. Il peut jouer à droite, à gauche, il est exceptionnel", ose le Roi au moment où Messi s'apprêtait à recevoir son deuxième Ballon d'or. Au terme de cette année 2011, Neymar, 19 ans et déjà papa, est nommé pour la première fois au Ballon d'or (10e), remporte le prix Puskas (récompensant le plus beau but de l'année) et a déjà récupéré le n°10 en sélection.

Le prodige brésilien attendra l'été 2013 pour faire le grand saut et rejoindre le FC Barcelone pour environ 50 millions d'euros. En quatre ans, Neymar aura marqué 136 buts (le média brésilien Globo a rassemblé ceux qu'il estime être les plus beaux) en 225 matchs officiels sous les couleurs de Santos ; très loin des 643 attribués à Pelé. Il ne le rattrapera jamais, mais il a l'occasion de reprendre l'écriture de cette histoire avec Santos pour relancer sa carrière à 32 ans, après un départ forcé du PSG et une grave blessure au genou en Arabie saoudite.

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