Réarmement de l'Europe : la Suisse mal à l'aise avec sa commande passée en 2022 d'avions F-35 américains
Pour sauvegarder cet article, connectez-vous ou créez un compte monfranceinfo
Sans paiement. Sans abonnement.
/2025/04/14/gettyimages-2154252290-67fd2051331c1266960359.jpg)
Pour réduire notre dépendance aux Américains, la France pousse pour un réarmement de l’Europe en Europe. Une idée plus ou moins partagée par ses partenaires encore attirés par le matériel américain. Alors que la Grande-Bretagne - comme Berlin et Copenhague - réfléchirait à acheter des chasseurs F-35 produits par l’Américain Lockheed Martin, la Suisse, elle, se mord un peu les doigts d’en avoir commandé 36 exemplaires en 2022.
Le gouvernement suisse n’imaginait pas que le sujet reviendrait sur la table en 2025, comme il n’imaginait pas que Donald Trump dynamiterait les alliances stratégiques en place. Aujourd'hui, d'après un récent sondage, 81% des Suisses ne veulent plus du F-35 et 98% disent même qu’ils ne veulent pas dépendre des États-Unis pour leur sécurité.
La question d'annuler la commande
Le parlementaire écologiste Fabien Fivaz n’a pas attendu la publication de cette étude pour demander au gouvernement de calculer combien coûterait l’annulation de la commande de 6 milliards de francs suisses : "Ce qu'on sait, c'est qu'aujourd'hui, on a déjà versé environ 10%, un peu plus de 600 millions au gouvernement américain, explique-t-il. Chaque année, on a des tranches de paiement qui sont de 300 à 350 millions de francs. Donc évidemment, si on doit le faire, c'est maintenant ou jamais."
Les premières livraisons de F-35 sont prévues pour 2027. Il faut donc se dépêcher. Et tant pis, dit le parlementaire, si cette décision doit déclencher la colère de Donald Trump. Jusqu’ici, la Suisse l'a plutôt ménagé et cela ne lui a rien apporté. Au contraire, si on regarde les droits de douane qui menacent d'être appliqués : "Ce sont 31% de taxes qui sont prévues, ce qui est largement supérieur aux 20% dans l'UE, constate le même parlementaire, donc on est déjà aujourd'hui maltraité par le gouvernement américain. Je ne sais pas si on peut l'être beaucoup plus. On doit faire un choix, qui est celui de se rapprocher plutôt de l'Europe, que de rester accroché aux États-Unis." Sans compter que la guerre économique déclenchée par Donald Trump pourrait faire grimper la facture d’1 milliard de francs.
Un "temps perdu" qui mettrait le pays "en danger"
Mais tous les parlementaires ne sont pas de cet avis, comme Thomas Hurter, par exemple. Cet ancien pilote est membre du parti UDC, la droite nationaliste, qui est le premier parti du pays. Selon lui, qu'on soit pour ou contre le F-35, peu importe : la Suisse l’a acheté et elle n’a pas les moyens ni le temps de revenir en arrière. "Tous les avions de combat qui sont sur le marché sont plus ou moins pris ou bien commandés, dit-il, ça veut dire que si on se retire maintenant, ce n'est pas seulement de l'argent perdu, c'est du temps perdu : c'est vraiment mettre en danger notre sécurité."
De plus, des experts militaires expliquent que même si la Suisse changeait le F-35 pour un avion européen, celui-ci aurait de toute façon des composants "made in USA". Et puis, dit-on dans les couloirs du parlement à Berne, un avion de chasse dure plus longtemps qu’un mandat de président américain. On voit donc mal les autorités aller au clash avec Donald Trump sur ce sujet. Surtout que quatre chasseurs doivent être assemblés en Suisse. C'est donc, à la clef, des emplois et la promesse pour le pays de devenir une plateforme régionale en Europe pour la fabrication des F-35.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.