Réarmement de l'Europe : comment le Danemark prend un virage à 180 degrés dans sa politique de défense
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La décision du Danemark d'investir massivement dans l'armement est à la fois liée à la menace russe et au désengagement américain. Et c'est une véritable révolution qu'amorce le pays. Pour mesurer le chemin parcouru, franceinfo s'est rendu dans une usine de drones de combat, au nord de Copenhague, à côté d’une ancienne base allemande.
L’entreprise Nordic Wing produit 400 drones militaires chaque année pour l’Ukraine. "On peut mettre suffisamment d'explosifs C4 pour perforer un tank russe T72 et le détruire, assure le PDG Jonas Münster en montrant les installations. On peut dire qu'il a plus de puissance qu'un missile Javelin."
Passer de 1,5% à plus de 3% du PIB
Il y a trois ans, ces drones servaient pour l’agriculture. La guerre en Ukraine a marqué un tournant pour le patron, qui a alors trouvé des fonds pour militariser ces appareils. Il n'a toutefois pas pu compter sur le soutien de l’État danois, qui s’est désengagé depuis longtemps des dépenses militaires. "Avant la guerre en Ukraine, on était assez seul, raconte-t-il. C'était très difficile au Danemark d'avoir du soutien pour n'importe quelle industrie militaire."
"Au début de la guerre en Ukraine, ce sont seulement nos investisseurs privés, ceux qui étaient déjà dans l'entreprise, qui ont mis de l'argent dans la militarisation des drones."
Jonas Münster, patron d'une fabrique de dronesà franceinfo
Aujourd'hui, Jonas Münster incarne le nouveau potentiel militaire danois. Il espère maintenant profiter de la nouvelle politique. Le gouvernement a débloqué un fonds d’accélération, en faisant passer les dépenses militaires de 1,5% à plus de 3% du PIB (produit intérieur brut), à partir de cette année. Il compte aussi simplifier les démarches administratives.
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La menace sur le Groenland
Le Danemark part de loin car le pays a peu investi dans son armée et a donné beaucoup d’équipements aux Ukrainiens. Tout est à faire, dit Andreas Graae, chercheur à l’Institut militaire de technologie. "Ça veut dire refaire le plein de munitions dans les bases, mais aussi rénover les équipements, recruter et former les personnels, dit-il. On parle aussi bien sûr d'investissements dans les drones de longue distance, les plus petits drones, et dans la défense anti-aérienne pour contrer la menace de plus en plus forte des drones." Le Danemark compte aussi allonger et féminiser le service militaire.
Le Danemark, comme beaucoup de pays d'Europe, a sous-traité sa sécurité aux Américains et s'est désintéressé longuement de l’investissement militaire. Mais non seulement l'ancien allié n’est plus aussi fiable, mais on a tous en tête les menaces de Donald Trump sur le Groenland. C’est donc toute une stratégie qui vacille, explique Kristian Soby Kristensen, directeur de l’Institut de stratégie et d’étude de la guerre au Collège royal de la défense danoise. "Pendant au moins ces 30 dernières années, il y avait un large consensus au Danemark pour dire que la relation transatlantique était la pierre angulaire de la politique de défense et de sécurité du Danemark.", explique-t-il.
"Les politiciens danois ont fait tout ce qu'ils ont pu pour être les plus proches possible des États-Unis. Un de mes collègues a l'habitude de décrire la position danoise comme 'super-atlantiste'."
Kristian Soby Kristensen, directeur de l’Institut de stratégie et d’étude de la guerreà franceinfo
Un choix à faire sur les fournisseurs
Pour financer ce nouvel effort de guerre, le Danemark va s’appuyer sur deux piliers. Il possède de très grandes entreprises. Et il a allongé la durée du travail, il y a une dizaine d’années. Ce qui fait qu’il a les moyens de financer cette remise à niveau, d’après Rasmus Norlem Sorensen, du groupe réflexion Le Conseil pour la résolution des conflits internationaux. "Jusqu’à présent le gouvernement a utilisé les surplus financiers, pour soutenir l’Ukraine et augmenter la part du PIB consacré à la défense. Mais à long terme, si on a besoin d’une défense encore renforcée, on devra discuter du financement", affirme-t-il.
Le Danemark va aussi devoir choisir ces fournisseurs en matière d’armement. Ce sera l’indicateur essentiel sur sa volonté d’intégrer le camp européen. Si les armes restent américaines, il faudra un y voir une tentative de maintenir le lien transatlantique malgré tout ce qu’a pu dire Donald Trump.
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