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: #OnVousRépond Mobilisation, financement, arme nucléaire… Nos réponses à vos questions sur l'effort de guerre de la France et de l'UE pour aider l'Ukraine
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La France n'est pas en guerre. Mais comme les pays de l'UE, elle fait face à un moment de bascule, alors que la Russie poursuit son offensive en Ukraine et que Donald Trump a revu la position de Etats-Unis en matière d'aide militaire à Kiev ou au sein de l'Otan. "Nous entrons dans une nouvelle ère , a prévenu Emmanuel Macron lors d'une allocution début mars. La patrie a besoin de vous, de votre engagement."
Ces déclarations du président, comme celles des ministres ou des spécialistes, ont suscité de vives interrogations chez nos lecteurs. Vous avez été nombreux à répondre à l'appel à questions lancé par franceinfo sur l'effort de guerre dans lequel la France s'engage. Nous y répondons en les classant en cinq thématiques : la mobilisation, l'armement, son financement, l'état de la menace russe et la dissuasion nucléaire. Elle sera mise à jour au fil des semaines.
La mobilisation en France
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Non. A ce jour, la France n'a jamais affiché l'intention d'envoyer des soldats qui seraient directement engagés dans les combats contre la Russie. "La France ne dispose pas d'unité constituée de soldats qui participent directement aux combats ou aux manœuvres en Ukraine", confirme le général Jérôme Pellistrandi.
En revanche, il est question d'envoyer prochainement des instructeurs militaires français en Ukraine pour former et assister les soldats sur place. Emmanuel Macron a évoqué jeudi 27 mars le lancement d'une mission franco-britannique pour préparer "ce que sera le format de l'armée ukrainienne". Il s'agit d'"une équipe pluridisciplinaire avec des spécialistes de la doctrine, des ressources humaines ou encore de l'entraînement", a détaillé l'état-major français dans Le Monde .
Par ailleurs, Emmanuel Macron a évoqué à plusieurs reprises un possible déploiement de forces de "plusieurs pays européens" après un éventuel accord de paix. Même si les pays soutenant l'Ukraine ne sont pas unis sur cette question, l'unanimité n'est pas nécessaire, a-t-il affirmé jeudi 27 mars : "C'est bien acté et nous allons avancer. Et donc il y aura bien une force de réassurance avec plusieurs pays européens qui se déploieront", a-t-il promis.
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Le président français pose plusieurs conditions. La première : que les armes se taisent en Ukraine. Dans son esprit, les troupes françaises ne pourraient avoir d'autre rôle que celui de s'assurer que "la paix est bien respectée", a asséné Emmanuel Macron en février, lors de sa visite à Washington.
Jeudi 27 mars, le chef de l'Etat a précisé que "ces forces de réassurance" seraient "présentes dans certains endroits stratégiques déterminés avec les Ukrainiens" et "auraient un caractère de dissuasion" pour éviter toute nouvelle agression russe. En revanche, elles n'ont pas vocation "à être des forces présentes sur la ligne de contact" et "à se substituer aux armées ukrainiennes". Le Royaume-Uni, la Suède ou encore la Belgique sont aussi prêts à participer. Mais pour l'instant, le nombre de soldats reste extrêmement flou.
Autre prérequis, pour Emmanuel Macron : pouvoir s'appuyer sur "la solidarité et le soutien américains", "indispensables" en cas de déploiement "de forces de paix sur le sol ukrainien". Mais en pleine volte-face face à Volodymyr Zelensky, Donald Trump a répété qu'il excluait tout envoi de soldats.
Moscou ne voit évidemment pas d'un très bon œil cette implication des pays européens. "Le déploiement de troupes de forces armées des pays de l'Otan, mais sous un autre drapeau – celui de l'Union européenne ou sous des drapeaux nationaux – ne change rien. C'est bien sûr inacceptable", a déclaré Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, le 20 février.
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L'armée française étant composée d'un peu plus de 200 000 militaires professionnels, ils seraient appelés les premiers en cas d'engagement officiel de l'armée française sur le front ukrainien. L'Etat français pourrait aussi faire appel à la réserve militaire opérationnelle. Elle regroupe des volontaires qui interviennent en renfort des militaires professionnels sur des missions ponctuelles.
Lors du dernier recensement en octobre 2024, ces réservistes étaient 44 535, répartis entre l'armée de terre, la marine nationale, l'armée de l'air et de l'espace.
En France, les anciens militaires restent par ailleurs mobilisables cinq ans après leur départ.
Reste la question de la mobilisation des civils. Si celle-ci n'a pas été décrétée depuis près d'un siècle (en septembre 1939, après l'invasion de la Pologne par l'Allemagne), elle reste prévue par le Code de la défense. Elle peut être "partielle ou générale", selon l'article L2141.
Sollicité par franceinfo, le ministère des Armées précise : "La mobilisation, si elle venait à être décidée, le serait par décret pris en Conseil des ministres et signé par le Président de la République. Le pouvoir politique déciderait alors quelles seraient les personnes concernées par la mobilisation (hommes, femmes, tranches d'âges…) et cela serait stipulé dans le décret."
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Oui, à certaines conditions : être Français, avoir entre 17 et 72 ans, avoir une bonne condition physique, un casier judiciaire vierge et avoir effectué le service national ou la journée défense et citoyenneté. Pour postuler, vous devez remplir le formulaire dédié sur le site service-public.fr. Les réservistes servent en moyenne trente jours par an, sur une période maximale de cinq ans. Ils sont rémunérés entre 40 et 200 euros par jour.
Dans ce contexte de montée des tensions internationales, le gouvernement ambitionne de doubler le nombre de réservistes d'ici à 2035 pour atteindre le cap des 105 000, fixé dans la loi de programmation militaire 2024-2030. Le ratio serait alors d'un réserviste pour deux militaires actifs.
Depuis le début de l'année, plus de 12 000 Français se sont déjà portés candidats pour intégrer la réserve opérationnelle militaire, selon le ministère des Armées.
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Selon les données du ministère des Armées (document PDF, page 13), 201 332 militaires professionnels composaient l'armée française en 2024 : 111 851 dans l'armée de terre, 38 882 dans l'armée de l'air et 34 685 dans la marine.
L'armée française est la deuxième la plus fournie en Europe, derrière la Pologne (216 000 soldats), et devant l'Allemagne (181 000 soldats).
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L'hypothèse n'est pas à l'ordre du jour, assure Emmanuel Macron. Le président de la République lui-même a évacué le retour au service militaire obligatoire, tel qu'il existait dans le pays jusqu'en 1997. "A partir du moment où l'on a professionnalisé nos armées, focalisées sur l'opérationnel, les réemployer pour encadrer 800 000 jeunes n'est ni opérant, ni réaliste à court terme", justifie Emmanuel Macron.
Plutôt que de rappeler les jeunes majeurs sous les drapeaux, le chef de l'Etat demande au gouvernement et à l'état-major des armées des propositions d'ici au mois de mai pour "permettre à une jeunesse volontaire d'apprendre avec les armées et d'en renforcer les rangs". Il veut "proposer à notre jeunesse un engagement fort" pour lui "donner le choix de servir (…). Aujourd'hui, nous nous contentons d'un recensement, d'une journée défense et citoyenneté. C'est trop peu".
Cette réforme passerait par une refonte du Service national universel, pour que celui-ci "corresponde aux besoins de la nation et aux priorités que nous avons identifiées".
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Oui. "Il n'y a pas de critères femmes-hommes dans les armées. Il y a des critères d'aptitude au combat éprouvés par une formation, un entraînement et des qualifications opérationnelles. Des femmes militaires participent depuis longtemps et en nombre à des opérations", commente auprès de franceinfo le ministère des Armées.
L'instauration d'une armée de métier a favorisé la féminisation des troupes. En 1995, les femmes représentaient 7,5% des effectifs. En 2024, ce taux grimpait à 17% (document PDF, page 15).
Par ailleurs, en cas de mobilisation générale, le ministère des Armées ne précise pas qui serait appelé au front : "La mobilisation, si elle venait à être décidée, le serait par décret pris en Conseil des ministres et signé par le Président de la République. Le pouvoir politique déciderait alors quelles seraient les personnes concernées par la mobilisation (hommes, femmes, tranches d'âges…) et cela serait stipulé dans le décret".
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Un petit manuel sur la conduite à tenir en cas de crise est en cours d'élaboration. Disponible d'ici au printemps, il s'adressera à la population française, comportera une vingtaine de pages et doit s'articuler en trois parties : "se préparer", "réagir" et "s'engager". "Ce document a vocation à assurer la résilience des populations face à tout type de crises, qu'elles soient naturelles, technologiques, cyber ou sécuritaires", précise à franceinfo l'entourage du Premier ministre.
Néanmoins, il ne s'agit "pas du tout" de préparer la population à la perspective d'une guerre, comme a pu le faire la Suède, par exemple, insiste une source auprès de franceinfo. "Ce manuel n'est pas directement lié au contexte international actuel. C'est bien plus large que ça." En effet, si la notion de conflit armé sera bien évoquée, ce fascicule détaillera aussi les bonnes conduites à adopter en cas d'accident industriel, d'épidémie, de fuite radioactive, de crue, ou d'événement climatique grave.
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La Commission européenne a invité, mercredi 26 mars, les pays de l'Union à inciter leurs ressortissants à préparer un kit de survie leur permettant de tenir trois jours en autonomie en cas de crise. Un "sac de résilience", selon l'expression de la commissaire européenne Hadja Lahbib, interrogée par l'AFP.
Dans une vidéo publiée sur X, elle en dévoile une partie du contenu : des lunettes de vue, ses papiers d'identité dans un contenant hermétique, une lampe de poche, un briquet. Mais aussi de l'eau, des barres de céréales, des boîtes de conserve, un couteau suisse, des médicaments, de l'argent liquide, un chargeur de téléphone portable, une radio, et même un jeu de cartes. "C'est ce dont vous avez besoin pour survivre les 72 premières heures d'une crise", assure-t-elle, sans évoquer spécifiquement le contexte d'une guerre.
En France, les autorités préconisent déjà de préparer un kit de survie similaire depuis août 2024. Il peut être utile en cas de "catastrophe majeure" qui pourrait provoquer d'éventuelles coupures d'électricité, de gaz, d'eau courante ou encore rendre les routes "impraticables". Par ailleurs, un petit manuel sur la conduite à tenir en cas de crise est aussi en cours d'élaboration. Ce document d'une vingtaine de pages doit s'articuler en trois parties : "se préparer", "réagir" et "s'engager".
Les capacités militaires de la France et de l'UE
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Dans son rapport 2025, le site américain Global Firepower, qui dresse un classement mondial de la puissance des armées, classe les Etats-Unis, la Russie et la Chine aux trois premières places. La France arrive au septième rang, le premier au niveau de l'Union européenne.
Pour établir son classement, Global Firepower prend en compte le nombre de soldats actifs, la part du budget militaire dans le PIB ou encore les capacités matérielles. Mais le site internet évalue aussi les investissements en matériel, les moyens logistiques ou encore la situation géographique de l'Etat en question. Néanmoins, en cas ce conflit de longue durée, certains experts assurent que la France pourrait rapidement se retrouver à court de munitions.
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La France étant officiellement passée en "économie de guerre", selon l'expression du président de la République, elle doit produire plus et plus vite pour parer à toute éventualité. Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a même dressé une liste de plusieurs investissements nécessaires : il manque "au moins trois frégates" à la marine nationale, "une vingtaine de Rafale", et "notre armée de terre a besoin de frappes dans la profondeur". Il veut aussi "accélérer" sur la "guerre électronique", en référence aux brouillages mis en place pour intercepter les drones en Ukraine. Enfin, les Européens doivent accélérer dans le domaine "spatial" : "Toutes les grandes nations du monde sont en train de militariser l'espace".
Sébastien Lecornu n'exclut pas non plus non des "réquisitions" pour accélérer la production, par exemple "si le compte n'y était pas en matière de cadence et de délais." Le ministre se réserve en outre la possibilité d'user du droit de priorisation : il peut exiger des entreprises ou des sous-traitants qu'ils donnent la priorité à la commande militaire face aux besoins civils. Le gouvernement peut aussi imposer des stocks minimaux.
De leur côté, les entreprises du secteur se disent prêtes, à condition que les banques suivent. "La première chose qu'on demande aujourd'hui, c'est d'avoir de la visibilité, mais surtout des commandes fermes", prévient Alain Dulac, vice-président du Gifas, le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, sur RTL. "On va se tourner vers les financeurs, qui nous demandent généralement de la visibilité sur [notre] carnet de commandes."
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Des obus aux avions de chasse, en passant par les missiles de défense antiaérienne, les armes américaines équipent les arsenaux de nombreux pays européens. Selon le Premier ministre François Bayrou, "les deux tiers des armements au sein de l'Union européenne sont acquis auprès des Etats-Unis".
En 2024, plus de la moitié du volume d'équipement militaire importé par les Européens est venue d'outre-Atlantique, d'après l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), qui répertorie le volume d'armes échangées dans le monde.
Selon cette source, plus de la moitié des véhicules blindés livrés à l'Europe depuis 2020 proviennent des Etats-Unis. Autre exemple : la moitié des 24 systèmes de défense aérienne commandés à l'étranger depuis 2020 sont aussi américains.
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D'un point de vue technique, il n'est pas prouvé qu'il existe un "bouton d'arrêt" permettant de désactiver le système de l'avion à distance. Sauf que "faire voler un F-35 est une chose, mais utiliser son armement avec le système numérique en est une autre", explique Maxime Cordet, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), spécialisé sur les questions de défense européenne, à franceinfo.
Cette inhibition est possible grâce aux données de vol collectées par le logiciel. Autrement dit, le constructeur Lockheed Martin garde un œil sur l'usage qui est fait de ses appareils. "Le logiciel se connecte au seul serveur mondial, qui se situe au Texas. Tout passe par les Etats-Unis", souligne Xavier Tytelman, consultant défense spécialisé dans l'aéronautique.
"Les Etats-Unis gardent un contrôle sur la chaîne logistique dans tous les cas. L'autonomie du F-35 n'est pas totale", reconnaît une source au ministère des Armées interrogée par franceinfo. Si plusieurs pays européens disposent de ces avions de chasse américains, la France, elle, possède des Rafale et n'a pas acheté de F-35.
Le financement de l'effort de guerre
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Avec 50,5 milliards d'euros budgétés pour 2025, le pays consacre aujourd'hui 2,1% de sa richesse nationale à la défense. La loi de programmation militaire pour 2024-2030 prévoit déjà d'augmenter les crédits du budget de la défense d'un peu plus de 3 milliards d'euros chaque année, pour atteindre 53,7 milliards en 2026, 60 milliards en 2028, puis 67 milliards en 2030. "Notre armée pourrait atteindre un poids convenable autour de 90 milliards d'euros par an", a même calculé le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, début mars.
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Pour soutenir l'effort militaire, l'Etat va lancer un nouveau fonds de 450 millions d'euros, dans lequel les Français pourront placer de l'argent. Cela se fera sur la base du volontariat. Montant minimum de dépôt : 500 euros. Plafond : aucun. La somme, qui sera bloquée pendant au moins cinq ans, pourra être investie "directement, ou via [les] contrats d'assurance-vie", explique le ministre de l'Economie, Eric Lombard.
Ce fonds ouvert à tous sera lancé par la banque publique d'investissement Bpifrance, qui finance les entreprises françaises. Il devrait permettre de satisfaire une partie des besoins de financement des entreprises de défense, estimés à 5 milliards d'euros par le ministre de l'Economie.
Comme ce fonds servira à financer des entreprises privées, son rendement dépendra de leurs résultats. Aucun taux de rémunération fixe du placement ne sera donc établi, à la différence des livrets et plans d'épargne traditionnels. "Il est impossible de dire si cela sera plus rémunérateur qu'un livret A", dont le taux d'intérêt annuel est de 2,4%, précise l'entourage du ministre de l'Economie à France Télévisions.
Le gouvernement a en revanche écarté l'idée de puiser directement dans les 935,5 milliards d'euros d'épargne réglementée des Français (Livret A, livret de développement durable et solidaire…) pour financer l'industrie de la défense. Le cabinet du ministre insiste : "Hors de question de confisquer l'épargne de qui que ce soit".
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La piste a, en effet, été envisagée par le gouvernement. Début mars, François Bayrou affirmait que c'était une "possibilité", mais que la décision n'était "pas du tout prise".
Elle ne semble plus d'actualité.
Une telle souscription, sur une base volontaire ou forcée, ne serait pas une première en France. Sa dernière apparition remonte à 1993. Le Premier ministre de l'époque, Edouard Balladur, y avait recouru pour rembourser la dette de l'Etat. En 2009, Nicolas Sarkozy avait souhaité lancer un nouvel emprunt auprès des Français, avant d'y renoncer parce que le coût aurait alors été beaucoup plus élevé que d'aller sur les marchés.
En revanche, à l'échelle européenne, l'idée d'un "pot commun" pour acheter des armes avance à grands pas. Elle avait déjà été évoquée en 2024, avant d'être abandonnée en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale en France. Emmanuel Macron est revenu à la charge à l'issue du sommet européen, le 20 mars.
Mais l'initiative dépend surtout de l'attitude de l'Allemagne, dont le chancelier, Olaf Scholz, était jusqu'ici notoirement opposé au projet. Son départ prochain pourrait relancer cette idée. Son successeur, Friedrich Merz, semble moins catégorique. "Je suis ouvert à tout débat sur les ressources, mais je refuse que nous ne parlions que d'argent", a-t-il déclaré en février.
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C'est l'exercice d'équilibriste auquel l'Etat français est confronté. Ces "efforts" budgétaires, nécessaires pour financer l'effort de guerre, demandent "des réformes, des choix, du courage". Mais ils devront se faire "sans que les impôts soient augmentés", a promis Emmanuel Macron.
Une promesse politique qui n'inspire pas la confiance des oppositions et des syndicats. Si un effort est demandé aux Français, ils monteront au créneau pour que les plus riches y participent, notamment via la fiscalité. Exactement ce que propose la CFDT : "Le ciment de la cohésion sociale, c'est l'impôt. Et donc ça doit être non pas 'qui contribue ?', mais 'qui peut contribuer ?' et 'qui a les moyens de le faire ?'", argue sa secrétaire générale, Marylise Léon.
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En pleine concertation des partenaires sociaux sur la réforme des retraites, François Bayrou a estimé que cette "priorité" accordée à la défense devait se faire "sans abandonner le modèle social". "Nous ne laisserons aucun des problèmes du pays de côté", a-t-il assuré début mars.
De son côté, le ministre de l'Economie, Eric Lombard, a reconnu que la situation "imposera plus d'efforts", mais "ça ne peut pas être moins de dépenses sociales". Interrogé sur franceinfo sur d'éventuelles coupes dans les budgets des autres ministères pour financer ces dépenses, le ministre a estimé qu'"il ne faut pas rogner dans les budgets" mais "regarder la façon dont l'effort est partagé entre les Français".
Des déclarations qui mettent vent debout les responsables insoumis et écologistes. L'Europe s'apprête à attribuer "de l'argent sonnant et trébuchant pour les chars d'assaut alors qu'il en manque pour les hôpitaux", dénonce par exemple l'eurodéputée LFI Manon Aubry. Et d'ajouter : "La seule guerre qu'ils sont en train de préparer, en réalité, c'est une guerre sociale."
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Depuis l'annexion de la Crimée en 2014, l'Union européenne a imposé plusieurs paquets de sanctions à Moscou, dont le gel des avoirs russes. Dans son règlement, Bruxelles justifie cette mesure par "la probabilité que les avoirs concernés serviraient autrement au financement de la guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine". Cette manne financière est aujourd'hui estimée à plus de 200 milliards d'euros. Il s'agit d'actifs de la Banque centrale de Russie qui ne peuvent pas être utilisés ou transférés (auxquels s'ajoutent 25 milliards d'euros d'avoirs privés). Le géant des dépôts de fonds Euroclear, basé à Bruxelles, détient la quasi-totalité de ces actifs russes.
En pratique, les Vingt-Sept utilisent déjà les intérêts dégagés par ces avoirs pour aider l'Ukraine militairement et financer sa reconstruction d'après-guerre, depuis un accord passé le 8 mai 2024. Mais l'hypothèse d'une saisie ou d'une confiscation de ces avoirs russes a jusqu'ici été écartée par l'UE, essentiellement pour des raisons d'ordre juridique. Utiliser ces avoirs "serait un acte contraire aux accords internationaux", a souligné début mars le ministre de l'Economie, Eric Lombard. En somme, si la Russie ne peut plus disposer de ces fonds, ils restent bien sa propriété.
Un collectif d'universitaires et de juristes relevait toutefois en avril 2024, dans une tribune publiée dans Le Monde, qu'un document issu des Nations unies prévoit qu'"un Etat qui a subi des dommages causés par un autre Etat peut prendre des contre-mesures, comme la confiscation des avoirs de l'agresseur, afin de l'obliger à réparer les préjudices qu'il a causés". Mais c'est une voie que ni la France ni l'UE ne souhaitent emprunter pour l'instant.
D'abord parce que cela pourrait être interprété comme une forme de déclaration de guerre par la Russie. Ensuite, parce que ce serait prendre le risque de dissuader d'autres investisseurs étrangers. "La confiscation pure et simple de ces actifs représenterait pour la zone euro, pour la Banque centrale européenne, un risque financier trop important qui fragiliserait les Etats membres", arguait début mars le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot.
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Lors d'un échange très tendu avec Volodymyr Zelensky le 28 février, Donald Trump a affirmé que les Etats-Unis avaient donné 350 milliards de dollars à l'Ukraine et que l'Europe a "donné beaucoup moins d'argent (...) sous forme de prêt". Cette déclaration est erronée : selon un rapport de février 2025 du Kiel Institute, spécialisé dans l'économie mondiale, "l'Europe dans son ensemble a nettement dépassé les Etats-Unis" en allouant 132 milliards d'euros à l'Ukraine, contre 114 pour les Etats-Unis, entre janvier 2022 et décembre 2024.
Si les aides militaires étaient équivalentes (62 milliards d'euros pour l'Europe, 64 pour les Etats-Unis), l'Europe a apporté une aide financière et humanitaire plus conséquente (70 milliards contre 50). Sur le montant global de l'aide européenne, 35% s'est faite sous forme de prêts "hautement concessionnels" garantis par le budget des Etats membres, selon une note de l'UE de février 2025. L'aide accordée par Bruxelles représentait ainsi près de la moitié des aides versées dans le monde à l'Ukraine, qui a reçu un total de 267 milliards d'euros, selon le Kiel Institute.
L'état de la menace russe
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Depuis l'invasion de l'Ukraine, le Kremlin déploie un vaste arsenal dans le but d'influencer l'opinion publique en sa faveur en Europe, et notamment en France. Il n'est pas question ici de champ de bataille réel, mais d'opérations de déstabilisation, de désinformation ou d'ingérence qui peuvent notamment toucher le cyberespace, les médias ou la sphère politique. D'où l'expression de "guerre hybride", reprise par Emmanuel Macron et plusieurs membres du gouvernement ces dernières années.
Sébastien Lecornu le reconnaissait lui-même sur France 2, début mars : la situation "m'a souvent fait dire que, désormais, on peut être défaits sans être envahis, sans guetter les chars". Le ministre des Armées listait notamment "la guerre énergétique", "la capacité à mener des attaques cyber", sur "les hôpitaux", sur "les barrages hydroélectriques". Et de rappeler : "La Russie nous a choisis comme adversaire. Petit à petit, nous allons sur une logique de confrontation. (...) La Russie réinvente une forme de guerre qui fait que nous ne sommes pas en guerre, mais nous ne sommes plus complètement en paix."
Ces dernières années, la Russie a par exemple multiplié la mise en ligne de faux sites d'information. Sont également apparus sur la voie publique parisienne des dessins d'étoiles de David bleues, des mains rouges, des graffitis d'avions de chasse en forme de cercueils. Ceci afin de déstabiliser les soutiens de Kiev en "façonnant l'opinion", souligne Viginum, le service de l'Etat chargé de la protection contre les ingérences numériques étrangères, dans un rapport publié en février.
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Le Kremlin ne cesse de le répéter ces derniers mois : les pays livrant des armes à l'Ukraine doivent être considérés comme des "cobelligérants". Le 20 mars, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, estimait lors d'un point-presse que l'Europe s'était "militarisée à un point tel qu'elle s'est transformée en parti de guerre".
En réalité, la notion de "cobelligérance" n'existe pas dans le droit international, pas plus que celle de "belligérant". Ce terme était utilisé jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour désigner les différentes entités étatiques participant à une guerre. "Soit vous êtes partie au conflit, soit vous ne l'êtes pas. Et être partie à un conflit signifie avoir des forces combattantes qui y sont directement engagées", explique Elie Tenenbaum, directeur du Centre des études de sécurité de l'Institut français des relations internationales (Ifri).
La question pourrait se reposer si des pays de l'Otan envoyaient des troupes au sol en Ukraine. Une hypothèse évoquée sous conditions par Emmanuel Macron, notamment. En attendant, le président de la République assume le fait de maintenir une "ambiguïté stratégique" sur l'implication du pays dans le conflit afin de désorienter Moscou.
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Selon l'article 5 du traité de l'Alliance atlantique, "une attaque armée contre l'une ou plusieurs [parties] survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties". Les autres membres de l’Otan promettent de venir en aide au(x) pays attaqué(s), y compris par la force armée, afin de répliquer et rétablir la sécurité, selon le principe de légitime défense consacré par la Charte des Nations unies. Cet article a été invoqué une fois dans l'histoire, par les Etats-Unis, au lendemain des attentats du 11-Septembre.
Mais avant d'en arriver à l'article 5, chaque pays membre peut invoquer l'article 4 s'il estime que son intégrité territoriale, son indépendance politique ou sa sécurité est menacée, afin de porter une question à l'attention du Conseil de l'Otan. "La question est examinée, ce qui peut éventuellement conduire à une décision conjointe ou à une action conjointe à mener au nom de l'Alliance", précise l'Otan sur son site. Le 24 février 2022, après l'invasion russe en Ukraine, huit pays européens ont invoqué cet article.
Si la solidarité entre les membres de l’Otan prévaut, Donald Trump l’a indirectement remise en cause début mars. Le président américain a questionné l’engagement de son pays au sein de l’Alliance : "S'ils [les autres membres de l'Alliance] ne paient pas, je ne vais pas les défendre (...) Mon plus gros problème avec l'Otan (...) c'est que si les Etats-Unis avaient un problème et qu'on appelait la France, ou d'autres pays que je ne nommerai pas, en disant 'On a un problème', vous pensez qu'ils viendraient nous aider, comme ils sont censés le faire ? Je n'en suis pas sûr", a-t-il argué.
Pour l’instant, l'Otan a envisagé en mars 2024 la possibilité d'abattre les missiles russes s'approchant trop des frontières de l'Alliance atlantique, après la violation de l'espace aérien polonais par un missile russe. Un incident similaire s'est reproduit en février dernier, selon l'armée polonaise. En cas de recul du soutien américain, l'Europe parviendrait peut-être à arrêter un assaut dans l'immédiat, mais pas un conflit qui s'enlise, selon certains spécialistes interrogés par franceinfo.
La dissuasion nucléaire
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Neuf pays sont à ce jour considérés comme des puissances nucléaires : les Etats-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la Chine, la France, le Pakistan, l'Inde, la Corée du Nord et Israël. Selon le décompte de la Fédération des scientifiques américains, qui fait autorité, ces neuf pays "possédaient environ 12 331 ogives" début 2025.
Les Etats-Unis et la Russie en détiennent 90% à eux deux. A la troisième place, arrive la Chine. La France, elle, se situe en quatrième position avec 290 ogives.
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La France est la quatrième puissance nucléaire mondiale, après la Chine, les Etats-Unis et la Russie, selon la Fédération des scientifiques américains. Elle possède aujourd'hui 290 ogives nucléaires, dont 250 se trouvent dans des sous-marins, et sont prévues pour des missiles M51 mer-sol. Les 40 autres peuvent être emportées par des avions Rafale et leurs ravitailleurs avec des missiles air-sol de moyenne portée.
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Dans son allocution télévisée début mars, Emmanuel Macron a réaffirmé sa volonté d'ouvrir le "débat stratégique" sur l'extension de la dissuasion nucléaire française à d'autres pays européens. Il affirme que "la Russie est devenue pour les années à venir une menace pour la France et l'Europe" et estime donc qu'il faut ouvrir le parapluie nucléaire au-delà de nos propres frontières, en incluant nos voisins.
"La doctrine française est qu'on peut l'utiliser quand nos intérêts vitaux sont menacés", mais ces intérêts comprennent aussi "une dimension européenne", expliquait en avril le chef de l'Etat dans une interview accordée aux journaux du groupe de presse Ebra. Autrement dit, tout en gardant sa "spécificité" nucléaire, la France est toutefois "prête à contribuer davantage à la protection du sol européen".
En France, la proposition d'Emmanuel Macron a provoqué la contestation des oppositions, qui y voient une perte de souveraineté. Pourtant, le président de la République resterait le seul à pouvoir donner l'ordre de tirer, comme l'a confirmé le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, le 1er mars sur franceinfo : l'arme nucléaire "est" et "restera" française, "de la conception et la production de nos armes, jusqu'à leur mise en œuvre sur décision du président de la République".
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Son utilisation répond à des règles extrêmement strictes. Selon le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), cet arsenal ne peut pas se partager et être donné à un autre pays. La décision de son utilisation ne peut pas non plus être déléguée à un autre Etat. Le traité, signé en 1968 et entré en vigueur en 1970, ne reconnaît que cinq puissances nucléaires légalement propriétaires : la Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie (ex-URSS). Quatre autres pays (l'Inde, le Pakistan, Israël et la Corée du Nord) possèdent l'arme nucléaire mais ne sont pas ou plus signataires du TNP.
En France, seul le président de la République peut donner l'ordre de tirer. Le processus est secret, avec des chiffres et des mots très précis que le chef de l'Etat doit prononcer à certaines personnes. Il ne peut le lancer que si les intérêts vitaux de la France sont menacés.
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