On vous résume le bras de fer entre Donald Trump et Harvard, symbole de l'offensive menée contre les universités américaines

L'administration républicaine a coupé plus de 2 milliards de dollars subventions à la prestigieuse université du Massachusetts. Depuis son retour à la Maison Blanche, le président américain a pris pour cible les campus, qu’il accuse de cultiver le "wokisme".
Article rédigé par Chloé Ferreux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le campus de Harvard, à Cambridge (Massachusetts), le 15 avril 2025. (JOSEPH PREZIOSO / AFP)
Le campus de Harvard, à Cambridge (Massachusetts), le 15 avril 2025. (JOSEPH PREZIOSO / AFP)

"Harvard est une BLAGUE qui enseigne la haine et l'imbécilité et qui ne devrait plus recevoir de fonds fédéraux", a fulminé Donald Trump, mercredi 16 avril, sur son réseau Truth Social. Pour le président des Etats-Unis, la prestigieuse université du Massachusetts ne peut "plus être considérée comme un lieu d'apprentissage décent".

La veille, son administration avait gelé 2,2 milliards de dollars de subventions publiques à Harvard, après le refus de l'université de se soumettre aux injonctions de la Maison Blanche. "Aucun gouvernement ne doit dicter à une université ce qu'elle doit enseigner, qui elle peut embaucher ou ce sur quoi elle peut faire des recherches", avait répondu son président, Alan Garber, dans une lettre.

Accusée de laxisme face à l'antisémitisme lors des manifestations propalestiniennes qui ont suivi les attaques du 7-Octobre et l'opération militaire d'Israël dans la bande de Gaza, l'université située à Cambridge, près de Boston, cristallise la colère du président républicain. Franceinfo revient sur ces tensions, emblématiques du dilemme imposé par Donald Trump à de nombreux campus américains.

Donald Trump exige des changements

Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump a placé les universités américaines dans les priorités de son agenda politique. Le gouvernement américain avait notamment annoncé fin mars qu'il pourrait priver Harvard d'environ 9 milliards de dollars de subventions fédérales, dénonçant "le harcèlement antisémite" sur le campus.

Le 11 avril, la Maison Blanche a ainsi transmis à la direction de Harvard un courrier commun des ministères de l'Education, de la Santé et de l'Administration fédérale consulté par The Washington Post. Le gouvernement y exige des changements en profondeur, dont un processus de réforme au cours duquel l'université devra soumettre des rapports trimestriels sur sa conformité avec les exigences du gouvernement.

L'administration de Donald Trump réclame aussi une restructuration de la gouvernance universitaire, la fin des politiques de diversité, un audit externe des opinions politiques sur le campus et un droit de regard ses facultés. Le président américain accuse notamment les campus américain de cultiver le "wokisme", mais également d'être sous "le contrôle" de la gauche, explique The New York Times.

La direction rejette ces demandes

Face aux demandes de Washington, la célèbre université américaine refuse de plier. Harvard "ne renoncera ni à son indépendance ni à ses droits constitutionnels", a déclaré son président, Alan Garber, dans une lettre adressée au corps enseignant et aux étudiants.

"Aucun gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir, ne doit dicter aux universités privées ce qu'elles doivent enseigner, qui elles peuvent enrôler et embaucher et sur quelles matières elles peuvent mener des recherches."

Alan Graber, président de Harvard

dans un courrier

Dénonçant "des exigences disproportionnées" de la part de Washington, il a également assuré que l'institution ne reverra pas ses programmes et ne licenciera pas ses professeurs.

Avec seulement 11% de son budget dépendant des aides fédérales, Harvard dispose de ressources qui lui permettent aujourd'hui de tenir tête à Washington. L'université possède notamment le fonds de dotation le plus élevé au monde pour une université avec 53 milliards de dollars, selon son rapport financier. La semaine dernière, elle a même émis 750 millions de dollars d'obligations, d'après The Washington Post. Une somme que l'institution pourrait utiliser comme trésorerie en cas de coupe budgétaire.

Donald Trump répond en gelant des subventions

La réponse de l'administration Trump ne s'est pas faite attendre. Un communiqué du ministère de l'Education a ainsi annoncé le gel de 2,2 milliards de subventions fédérales sur plusieurs années. Les effets de ce gel se sont fait directement ressentir sur les projets destinés à la recherche universitaire.

Un contrat de 60 millions de dollars pour le développement d'un vaccin contre la tuberculose a été gelé à la Harvard T.H. Chan School of Public Health, d'après The Wall Street Journal. Même sort pour un programme de recherche sur les effets de l'exposition aux radiations ou pour des travaux sur la tuberculose, a confirmé la faculté de santé publique d'Harvard. Le Wyss Institute de Harvard, en pointe sur la médecine du futur, redoute déjà une fuite des cerveaux, selon The Washington Post.

Et Donald Trump pourrait ne pas s'arrêter là. Dans un message posté sur Truth Social, le président des Etats-Unis a aussi annoncé qu'il envisageait de retirer son statut d'exonération fiscale. Une décision qui pourrait freiner le nombre de donations à Harvard. 

Les démocrates saluent le courage de Harvard 

En résistant aux foudres de la Maison Blanche, Harvard s'est attiré les éloges du camp démocrate. L'ancien président américain Barack Obama a salué sur le réseau social X une "décision modèle" de son ancienne université, qu'il félicite pour ne pas avoir cédé à une "tentative illégale et maladroite d'étouffer la liberté académique". "Espérons que d'autres suivront", a-t-il ajouté.

"Félicitations à Harvard pour avoir refusé d'abandonner ses droits constitutionnels face à l'autoritarisme de Trump", a lancé de son côté le sénateur Bernie Sanders, figure de l'aile gauche démocrate, toujours sur X.

D'autres universités sont menacées par l'administration 

"Il est temps que les universités d'élite prennent le problème au sérieux et s'engagent à apporter des changements significatifs si elles veulent continuer à bénéficier du soutien des contribuables", a menacé le ministère de l'Education dans un communiqué. L'offensive dépasse en effet les murs d'Harvard et plusieurs dizaines d'universités sont dans le viseur de l'administration.

Face aux menaces sur les subventions, l'université de Princeton a également fait savoir qu'elle ne céderait pas. De son côté, le Massachusetts Institute of Technology (MIT) a engagé deux recours en justice contre les coupes budgétaires. "Les récentes actions du gouvernement interfèrent avec le fonctionnement normal du MIT, diminuant notre capacité à servir la nation", a écrit la présidente de l'université, Sally Kornbluth, dans une lettre. A New York, Columbia, cible récurrente des conservateurs, s'était vue retirer en mars 400 millions de dollars de subventions fédérales. Au cœur des reproches : sa gestion des manifestations étudiantes propalestiniennes et l'absence d'un cadre sur l'antisémitisme.

Si l'université new-yorkaise a assuré mardi qu'elle refuserait "tout accord qui nous ferait renoncer à notre indépendance", elle a toutefois entrepris la refonte de son programme sur le Moyen-Orient, l'Asie du Sud et l'Afrique pour éviter de nouvelles coupes budgétaires. Columbia a aussi créé un service de sécurité renforcée habilitée à procéder à des arrestations sur son campus, selon l'AFP, et embauché Mike Pompeo, l'ancien secrétaire d'Etat du président américain. Des concessions vues par certains comme une capitulation devant l'administration Trump.

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