La police française doit-elle être armée ? Qu'en est-il en Angleterre ?
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Chaque année, les policiers français doivent rendre compte de tous les tirs réalisés avec leur arme. En 2023, 161 tirs opérationnels ont été répertoriés, contre 255 en 2022 (-36,9% en un an). En 2021, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, plus de la moitié des policiers municipaux étaient dotés d'armes létales. Les policiers nationaux, lorsqu'ils sont en fonction, sont tous armés.
Au Royaume-Uni, moins de 5% des officiers ont le droit de porter une arme. Ces derniers font partie d’unités spécifiques et reçoivent une formation dédiée. L’immense majorité des policiers ne possède pas d’armes à feu, même si certains sont tout de même munis de taser ou de gaz lacrymogène et d’une matraque. C'est ainsi depuis la mise en place de l’institution policière, en 1829. Celle-ci est fondée sur la philosophie du "maintien de l’ordre par consentement" (policing by consent), intrinsèquement liée au fait de ne pas porter d’armes.
Maintenir les bonnes relations avec le grand public
"Quand on sonde les policiers pour savoir s’ils souhaitent porter une arme, ils disent que non. Par conséquent, ils doivent remplir leur mission avec le consentement de la population : avec leur coopération. Ils ne peuvent pas utiliser l’intimidation, ils doivent donc s’assurer le soutien du public autrement. S’ils ne travaillent pas avec la population, les gens ne vont pas respecter la loi, ne vont pas leur donner les informations dont la police peut avoir besoin, ou coopérer," explique Sarah Charman, professeur de criminologie à l’université de Portsmouth.
C’est un travail de longue haleine qui repose sur le maintien des bonnes relations entre la police et le grand public. Ce point est souligné par Mike Hough, criminologue et professeur à l’université de Birkbeck : "La légitimité repose sur la confiance. Il est essentiel pour la police de traiter les gens avec justice, politesse et respect au quotidien, d’écouter ce qu’ils ont à dire. Bon, certains officiers ont tendance à oublier tout ça."
La police utilise quand même la force
Police non armée ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’usage de la force, souligne Mike Hough. "Nous avons connu de grosses émeutes en 2011 et en 2024 ; lors de ces émeutes, la police n’utilise pas d’armes à feu, mais recourt tout de même à la force, par le biais de boucliers ou de gaz lacrymogènes.
Autre exemple, dans les quartiers très pauvres de Londres, il y a une forte proportion de jeunes hommes issus de minorité ethnique qui n’ont aucune relation de confiance avec la police, qui ne consentent pas. La police leur mène la vie dure, ils mènent la vie dure à la police... Je crains que la police dans ces cas-là n’ait recours à des tactiques “dures”, à des arrestations musclées, sans pour autant être armée."
Racisme, homophobie, sexisme... un rapport accablant
Ces dernières années, la police, londonienne, en particulier, a fait l’objet d’un rapport accablant sur le racisme, l’homophobie, le sexisme prévalent dans ses rangs. Plusieurs affaires criminelles impliquant des officiers, entre autres l’enlèvement, le viol et le meurtre de Sarah Everard en 2020, ont lourdement endommagé la confiance nécessaire au maintien du modèle britannique.
Côté criminalité, il existe trop de facteurs pour établir un lien clair entre crimes et délits d’une part, et police non armée d’autre part, et trop de différences dans la manière de mesurer pour établir une comparaison avec la France.
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