Avec l'adoption par les députés d'un plan massif d'investissements, l'Allemagne entame sa révolution en matière de défense
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Une rupture avec le dogme de l'orthodoxie budgétaire. En Allemagne, les députés ont adopté, mardi 18 mars, le plan d'investissements géant du futur chancelier, le conservateur Friedrich Merz, visant à réarmer et moderniser l'Allemagne pour affronter les bouleversements géopolitiques mondiaux. Ce paquet de plusieurs centaines de milliards d'euros affectés à la défense et l'économie, qui nécessite un assouplissement des règles d'endettement inscrites dans la Constitution allemande, a été approuvé par 513 députés, tandis que 207 se sont abstenus.
"La situation s'est encore aggravée de façon dramatique ces dernières semaines", a plaidé avant le vote le probable futur chancelier conservateur, avant d'évoquer le revirement stratégique des Etats-Unis de Donald Trump, qui se rapprochent de la Russie au détriment de l'Ukraine, et l'urgence pour l'Europe d'accroître son indépendance vis-à-vis de Washington en matière de défense. Un changement de cap remarquable pour l'Allemagne, qui s'est abritée pendant des décennies sous le parapluie militaire américain.
Le "bazooka" d'investissements, selon l'expression popularisée par les médias allemands, proposé par le chef de la CDU, est la pierre angulaire du futur gouvernement qu'il a entrepris de former avec le Parti social-démocrate (SPD). Pour faire entrer la rigoureuse Allemagne dans cette nouvelle ère de la dépense, il lui faut amender la Loi fondamentale. Le texte débattu mardi prévoit un assouplissement des règles d'endettement inscrites dans la Constitution pour les dépenses militaires et pour les régions. S'ajoute un fonds spécial de 500 milliards d'euros sur 12 ans pour moderniser les infrastructures et relancer la première économie européenne, en récession depuis deux ans. Sous la pression des écologistes, 100 milliards d'euros de ce fonds sont affectés à la protection du climat.
"Le partage du nucléaire avec la France" en discussion
Les sommes en jeu sont colossales et auront des répercussions bien au-delà de l'Allemagne. Cela représente 1 000 à 1 500 milliards d'euros, selon les calculs, injectés dans l'économie au cours de la prochaine décennie. Le plan permettra aussi le déblocage d'un soutien militaire en suspens de 3 milliards d'euros pour l'Ukraine.
Mais ce n'est pas tout. Depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, certains en Allemagne, dont des membres du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), poussent pour que le pays acquière ses propres armes nucléaires. En réponse, le futur chancelier a réaffirmé être ouvert à l'idée que la France élargisse son bouclier nucléaire en Europe, au moment où le continent cherche une réponse à la remise en cause de l'alliance transatlantique par le président américain.
"Nous devons simplement devenir plus forts ensemble en matière de dissuasion nucléaire en Europe", a martelé Friedrich Merz en février sur la radio Deutschlandfunk, en ajoutant que "le partage du nucléaire avec la France et la Grande-Bretagne est, à [s]on avis, un sujet dont nous devons discuter". L'Allemagne ne peut en effet pas acquérir ses propres armes nucléaires sans violer le Traité international sur la non-prolifération (TNP), dont elle est signataire.
"Vers une nouvelle communauté européenne de défense"
Ouvrant une session historique du Bundestag, Friedrich Merz a qualifié ce plan de dépenses de "premier grand pas vers une nouvelle communauté européenne de défense". Cette communauté devrait inclure "des pays qui ne sont pas membres de l'Union européenne", comme le Royaume-Uni et la Norvège, a-t-il déclaré, tout en plaidant pour que les commandes d'équipement de défense destinées à réarmer l'Allemagne soient "attribuées dans la mesure du possible à des fabricants européens".
Il s'agit "de donner une nouvelle direction à l'histoire de notre pays, un renouveau positif pour l'Allemagne, un renouveau positif pour l'Europe", a estimé devant les députés Lars Klingbeil, le chef du Parti social-démocrate. Et d'insister : "C'est peut-être le plus gros paquet de dépenses" de l'histoire de l'Allemagne.
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