Guerre entre Israël et le Hamas : la famille Bibas, symbole du calvaire vécu par les otages et du combat pour leur libération
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Une nouvelle étape dans le fragile accord de trêve entre Israël et le Hamas. Le mouvement islamiste palestinien a remis au Comité international de la Croix-Rouge, jeudi 20 février, les corps de quatre otages israéliens, "parmi lesquels [ceux de] la famille Bibas". Cette restitution de leurs corps, seize mois après les attentats du 7-Octobre en Israël, doit être suivie de la libération, samedi, de six autres otages encore retenus dans la bande de Gaza et de prisonniers palestiniens.
Après la libération de Yarden Bibas le 1er février, l'incertitude demeurait sur le sort de ses proches, également capturés le 7 octobre 2023 : sa femme Shiri Bibas, 32 ans lors de son enlèvement, et ses deux enfants Kfir et Ariel, respectivement âgés de presque 9 mois et 4 ans lorsqu'ils ont été kidnappés. Mercredi soir, le Forum des familles d'otages a annoncé avoir "reçu la nouvelle bouleversante que Shiri Bibas, ses enfants Ariel et Kfir, et Oded Lifshitz [un autre otage] n'étaient plus parmi nous". "Cette nouvelle nous transperce le cœur, elle transperce le cœur des familles et elle transperce le cœur des gens dans le monde entier", a ajouté l'association dans un communiqué. Depuis le 7-Octobre, cette famille du kibboutz Nir Oz, l'un de ceux les plus gravement touchés par l'attaque terroriste du Hamas, est devenue le symbole de la souffrance des otages et de leurs proches, mais aussi celui du long combat pour leur libération.
"Il y a des terroristes dans le kibboutz"
Shiri Bibas, Yarden et leurs deux enfants ont été capturés à leur domicile alors qu'ils s'y cachaient, le matin du 7 octobre 2023. D'après Ofri Bibas, la sœur de Yarden, le couple réfléchissait à quitter prochainement le kibboutz Nir Oz, proche de la frontière avec la bande de Gaza. "Ils voulaient vivre près de nous dans le nord d'Israël, près de la Syrie et du Liban", raconte l'Israélienne auprès du média américain The Cut.
Elle a vécu à distance l'attaque du kibboutz, à travers les messages de son frère avant son enlèvement. "Ça commence à 6h31 : 'Encore des alertes'. Puis il me dit : 'Il y a des terroristes dans le kibboutz'. Je lui dis de nous rejoindre, et il me dit : 'Impossible de sortir de la maison'", décrit-elle auprès d'"Envoyé spécial". Au fil des SMS, Yarden Bibas évoque des coups de feu de plus en plus nourris, et la peur qui monte.
"Il écrit : 'J'ai l'impression que c'est la fin. J'ai peur de mourir.' A 9h26, il nous dit : 'Je vous aime (...) J'entends beaucoup de tirs, de coups de feu (...) Je les entends hurler.'"
Ofri Bibas, sœur de l'otage libéré Yarden Bibasà "Envoyé spécial"
A 9h43, le jeune père envoie un dernier message à sa sœur : "Ils sont entrés dans la maison." Des heures plus tard, Ofri Bibas et ses amis voient en ligne de premières images de Shiri Bibas et de ses enfants, alors qu'ils sont emmenés du kibboutz par des assaillants. "Elle avait ses deux enfants dans les bras, elle avait l'air vraiment terrifiée. Elle ne cessait de dire en hébreu : 'Arrêtez ! Arrêtez !", dépeint Ofri Bibas auprès de The Cut. La vidéo, largement relayée, symbolise à elle seule l'horreur de la journée du 7-Octobre.
Quelques mois plus tard, l'armée israélienne diffuse des images de vidéosurveillance montrant la mère israélienne, Kfir et Ariel enveloppés dans un drap, avant d'être amenés vers la bande de Gaza le jour de l'attaque. D'après le porte-parole de Tsahal, Daniel Hagari, cité par le New York Times, Shiri Bibas et ses enfants ont été emmenés vers l'est de Khan Younès. Yarden Bibas, lui, a été amené séparément vers l'enclave palestinienne. Des photos de l'otage israélien ont émergé à leur tour après le 7-Octobre, le montrant entouré d'assaillants et blessé à la tête.
Le jour de l'assaut à Nir Oz, Yossi et Margit Silberman, les parents de Shiri Bibas, ont péri dans l'incendie de leur maison. Dans le kibboutz, environ un habitant sur quatre a été tué ou kidnappé le 7 octobre 2023.
Une mort annoncée par le Hamas, mais jamais confirmée
Fin novembre 2023, les brigades al-Qassam, la branche armée du Hamas, annoncent que Shiri, Kfir et Ariel Bibas ont perdu la vie au cours d'une frappe israélienne dans la bande de Gaza. Le mouvement islamiste diffuse ensuite une vidéo de propagande dans laquelle il est annoncé à Yarden Bibas que sa femme et ses enfants sont morts. Les autorités de l'Etat hébreu ne confirment toutefois pas l'information. En Israël, l'inquiétude grandit autour du sort des plus jeunes otages du Hamas et de leurs parents.
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Leurs proches continuent de se battre pour leur libération, dans une insoutenable incertitude. "Chaque jour est plus effrayant, chaque jour est plus douloureux et ils vous manquent encore plus", confie au journal Haaretz Ofri Bibas, près d'un an après le 7-Octobre. "Vous ne dormez pas la nuit (...) Vous ressentez une lourdeur écrasante, et beaucoup de culpabilité aussi, poursuit la sœur de Yarden Bibas. Je me lève le matin, je me prépare une tasse de café et je me dis : 'à quand remonte la dernière fois qu'ils ont bu quelque chose ?'"
Peinture, images sur les réseaux sociaux... Les visages des Bibas ne cessent d'apparaître au fil de la campagne pour la libération des otages, rappelle Times of Israel. Des ballons orange y font notamment référence aux cheveux roux de Kfir et Ariel. Fin janvier, des soutiens de la famille ont d'ailleurs appelé le public à porter ou afficher un vêtement ou accessoire de couleur orange, pour continuer d'alerter sur le sort de ces otages.
"Tout ici n'est qu'obscurité"
Quelques jours plus tard, le 1er février, Yarden Bibas est remis au Comité international de la Croix-Rouge dans la bande de Gaza, dans le cadre de la première phase de l'accord de trêve entre Israël et le Hamas. L'Israélien, soudeur de profession, est libre. Mais il reste sans nouvelles de sa femme et de ses enfants.
Sa sœur décrit alors les conditions dans lesquelles l'otage a vécu pendant près de 16 mois. Le trentenaire a été déplacé à de nombreuses reprises et a très peu vu la lumière du jour, raconte Times of Israel. Il a été détenu seul, et pouvait parfois ne pas recevoir de nourriture de la journée, a dépeint Ofri Bibas, pointant la perte de poids conséquente de son frère. Yarden Bibas a également demandé à être détenu avec un ami de Nir Oz, repéré au cours de sa captivité. Une demande refusée par le Hamas.
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L'ancien otage, meurtri, a pris la parole une semaine après sa libération, lançant un appel au Premier ministre israélien. "Malheureusement, ma famille n'est pas encore revenue, a-t-il déclaré. Tout ici n'est qu'obscurité (...) Aidez-moi à ramener la lumière dans ma vie." Sa sœur Ofri avait également appelé, mardi, à ne pas encore faire d'"éloges funèbres pour [sa] famille", à l'approche de la restitution des quatre corps par le Hamas. "Cela fait 16 mois qu'on espère et on ne renonce pas maintenant", avait insisté celle qui a lutté sans relâche pour la libération de ses proches.
Mercredi soir, la famille Bibas a réagi à l'annonce du Forum des familles confirmant la mort de Shiri Bibas, Ariel et Kfir. "Si nous recevons des nouvelles dévastatrices, elles doivent être communiquées par les voies officielles appropriées après que toutes les procédures d'identification ont été menées à bien, a-t-elle déclaré dans un communiqué. Nous vous demandons de vous abstenir de faire l'éloge funèbre de nos proches, jusqu'à ce que l'identification finale soit confirmée." A Tel-Aviv, l'institut médico-légal qui recevra les dépouilles a promis d'accélérer leur identification, d'après la radio-télévision publique Kan.
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