Guerre en Ukraine : la "coalition des volontaires", initiative européenne face au désengagement américain et à "la politique impériale" de la Russie

Face à la menace d’un arrêt de l’aide américaine, qui s’est déjà traduit par une suspension temporaire des renseignements fournis par Washington à Kiev, une trentaine de pays ont rejoint la "coalition des volontaires", prête à soutenir l’effort de guerre de l’Ukraine.
Article rédigé par franceinfo - Bruno Cadène
Radio France
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Temps de lecture : 7min
Un soldat ukrainien dans une tranchée, le 14 avril 2025 (DAVID ALLIGNON / MAXPPP)
Un soldat ukrainien dans une tranchée, le 14 avril 2025 (DAVID ALLIGNON / MAXPPP)

La coalition des volontaires est un groupe essentiellement composé de pays européens, même si tous ne sont pas membres de l’Union européenne (comme le Royaume-Uni et la Norvège), rejoint par des pays comme l’Australie et la Turquie, qui disposent de moyens militaires importants. 

L’idée de cette coalition est de garantir aux Ukrainiens des soutiens politiques et militaires, au moment où s’engagent des négociations que les Etats-Unis ont d’abord mené directement avec la Russie, avec l’objectif affiché (mais toujours ambigu) de parvenir à une paix "juste et durable". Des garanties d’autant plus importantes pour l’Ukraine que l’hypothèse d’un retrait américain a pris de l’ampleur au fil des semaines. Les déclarations de Donald Trump ou de son négociateur Steve Witkoff semblaient favorables à Moscou, conduisant Volodymyr Zelensky à reprocher à la Maison Blanche d’être "sous l’influence du narratif du Kremlin". Le 17 avril, après une série de rencontres diplomatiques à Paris avec des responsables européens et ukrainiens, le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a d'ailleurs souligné que les États-Unis avaient "d'autres priorités" que l'Ukraine

Initiative tchèque puis franco-britannique

Bâtie depuis maintenant deux mois à l'initiative de Londres et de Paris, cette coalition des volontaires a d’abord germé dans l’esprit... du président tchèque. Le 1er mars 2025, à Prague, Petr Pavel a publié une déclaration solennelle appelant à la formation d’une coalition pour tenter de mettre définitivement fin à l’invasion russe de l’Ukraine. Le lendemain, le Premier ministre britannique Keir Starmer saisit la balle au bond, en organisant un sommet à Londres avec les dirigeants de 18 pays décidés à soutenir l'Ukraine. On y retrouvait outre le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Suède, la République tchèque, la Turquie et le Canada. L’Ukraine était naturellement représentée, tout comme des responsables de l’Union européenne et de l’Otan.

Presque un mois plus tard, le 27 mars, ce premier contingent était rejoint, lors d’un sommet organisé à Paris, par des délégations venues d’une dizaine de pays (la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, l’Estonie, la Grèce, l’Islande, l’Irlande, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, le Portugal, la Slovénie et l'Australie). L’absence de deux Etats membres de l’UE, la Hongrie de Viktor Orban et la Slovaquie de Robert Fico, tous deux proches de Moscou et de Vladimir Poutine, a évidemment été remarquée et dénoncée par leurs oppositions, à Budapest et à Bratislava.

Lors de cette réunion parisienne, Emmanuel Macron s’est engagé au nom des participants à "continuer de soutenir à court terme le peuple ukrainien et l’armée ukrainienne" alors que le président ukrainien avait déclaré être prêt à "accepter un cessez-le-feu complet et inconditionnel de trente jours" sans obtenir un engagement similaire de la Russie. Comme l'Ukraine, la plupart des dirigeants européens considèrent que Vladimir Poutine ne veut pas faire la paix, et doutent de la stratégie américaine, qui permet à Moscou de gagner du temps en faisant mine de négocier pendant que ses forces accentuent leur effort sur le front militaire.

Après les premières discussions de Londres et Paris, une troisième réunion de la coalition s’est tenue le 10 avril à Bruxelles, au siège de l'Otan. Les délégations de 31 pays ont évoqué la mise en place d’une force de maintien de paix, qui pourrait être composé de soldats de cette alliance, avec la possibilité de déployer des troupes en Ukraine en cas de cesse-le-feu négocié par les Etats-Unis.

Le réveil de l’Europe après un long sommeil ? 

Mise sous pression par la politique et les menaces de Donald Trump, l’Europe a été contrainte de réagir très vite et de s’organiser après avoir été ostensiblement écartée des négociations engagées en Arabie saoudite par Washington. Une réaction qui reste entourée de nombreuses interrogations : sur l’organisation de cette coalition des volontaires, ses capacités opérationnelles, et ses aptitudes à déployer des troupes sur la durée et avec des effectifs suffisants. Convaincus que l’armée ukrainienne est dans l’immédiat la plus apte à garantir la sécurité du continent face à la menace russe, les Européens doivent composer avec les doutes entourant le fonctionnement de l'Otan, dans le contexte d’un possible désengagement américain. 

La "réassurance" (un terme militaire qui peut se traduire par un "maintien de la paix") aérienne et maritime du territoire ukrainien nécessiterait un effort important de l’Alliance atlantique, avec notamment des moyens aériens au-dessus de la mer Noire. La Turquie, membre de l'Otan, est directement concernée : le pays gère les droits d’accès aux détroits de la mer Noire depuis la convention de Montreux de 1936. Et depuis l'invasion russe en Ukraine, Ankara a fermé, à la demande de Kiev, l'accès aux navires de guerre russes. Des négociations viennent de se tenir en Turquie entre représentants ukrainiens, britanniques, français et turcs pour discuter de la sécurité en mer Noire. Pour Volodymyr Zelensky, la Turquie peut jouer un rôle important s'agissant de futures garanties sécuritaires en mer. 

Pour les Ukrainiens, une preuve tangible de la solidarité européenne

Pour le gouvernement ukrainien et le président Zelensky, cette initiative européenne marque un soutien très important. Lors de réunion de la coalition en mars à Paris, l'Ukraine a annoncé l’organisation de rencontres hebdomadaires entre des représentants militaires de la coalition des volontaires et des membres de l’armée ukrainienne, pour discuter des détails de la mission de maintien de la paix. La coalition des volontaires est de nature à renforcer la confiance des Ukrainiens envers l’Europe et plus précisément envers l’Union européenne. Elle prouve en effet la solidarité des Européens envers les Ukrainiens.

Après la frappe russe meurtrière sur Soumy, dans le nord-est de l’Ukraine, dans la nuit de 14 avril au 15 avril, le Premier ministre tchèque, Petr Fiala a déclaré : "La Russie ne veut pas la paix. La politique impériale de la Russie menace la sécurité de toute l’Europe. Avec nos alliés de la coalition des volontaires, nous travaillons sans relâche pour y parvenir : faire échouer cette politique agressive."  

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