Droits LGBT+ : trois questions sur la décision de la Cour suprême britannique de définir une femme sur la base du sexe biologique et non du genre

La Cour suprême britannique a statué mercredi que le sexe biologique définissait une femme dans la loi. Cette décision des juges est une victoire pour les militants anti-trans.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 6min
Susan Smith et Marion Calder, directrices de l'association For Women Scotland, font une déclaration devant la Cour suprême britannique, à Londres, le 16 avril 2025. (HENRY NICHOLLS / AFP)
Susan Smith et Marion Calder, directrices de l'association For Women Scotland, font une déclaration devant la Cour suprême britannique, à Londres, le 16 avril 2025. (HENRY NICHOLLS / AFP)

La Cour suprême du Royaume-Uni a tranché : une femme trans ne peut légalement être considérée comme une femme outre-Manche. Désormais les termes "femme" et "sexe" de la loi sur l'égalité, qui encadre les discriminations dans le pays, ne peuvent désigner qu'une personne née biologiquement femme, a tranché la plus haute instance du pays mercredi 16 avril. Une victoire pour les militants anti-trans.

Cette décision unanime des magistrats conclut un bras de fer juridique de plusieurs années entre le gouvernement écossais, favorable à une reconnaissance accrue des droits des personnes trans, et l'association féministe For Women Scotland, notamment soutenue par la romancière J.K. Rowling, autrice de la saga Harry Potter. Franceinfo répond à trois questions sur les implications de ce jugement.

1 Pourquoi la Cour suprême a pris cette décision ?

Au Royaume-Uni, l'affaire divise depuis 2018. A l'origine : la volonté du gouvernement écossais d'instaurer des quotas dans les conseils d'administration du secteur public, afin de renforcer la représentation des femmes. Sur la base de l'Equality Act voté par le Parlement britannique en 2010, l'Etat écossais avait estimé que les femmes transgenres titulaires d'un certificat de reconnaissance de genre (CRG) à l'issue de leur transition répondaient à la définition de "femme" et pouvaient ainsi être prises en compte dans les quotas.

Mais la plus haute instance du Royaume-Uni a balayé cette interprétation de la loi et a donné raison à l'association de militants anti-trans. "La décision unanime de cette Cour est que les termes 'femme' et 'sexe' dans la loi sur l'égalité de 2010 se réfèrent à une femme biologique et à un sexe biologique", statue le jugement de 88 pages (PDF). "Les femmes peuvent désormais se sentir en sécurité en sachant que les services et les espaces désignés pour les femmes sont réservés aux femmes", s'est réjouie Susan Smith, l'un des directrices de For Women Scotland.

Lors de la lecture du jugement, les cinq magistrats de la Cour suprême ont toutefois rappelé que les protections contre la discrimination restent valables pour les personnes trans. "Nous déconseillons de lire ce jugement comme un triomphe d'un ou plusieurs groupes de notre société au détriment d'un autre, il n'en est rien", a assuré le juge Lord Hodge. "Les personnes transgenres sont protégées contre la discrimination fondée sur le changement de genre", a également précisé la Cour suprême, selon la BBC.

2 Qu'est-ce que ce jugement va changer ?

Les effets concrets de ce jugement sont encore difficiles à évaluer. Mais dans leur décision, les juges affirment qu'il est légal d'exclure les femmes transgenres de certains espaces réservés aux femmes. L'association Sex Matters, qui était associée à ce recours de For Women Scotland, a d'ores et déjà affirmé qu'il n'y avait plus "aucune excuse" pour autoriser les femmes transgenres à participer à des évènements sportifs féminins.

Centres d'accueil, hôpitaux, vestiaires, groupes lesbiens… Le jugement risque de restreindre l'accès des femmes trans à de nombreux services et lieux jusque-là partagés, selon les associations LGBT+. Pour les associations écossaises Equality Network et Scottish Trans, la décision "semble limiter la portée de la reconnaissance de genre, de sorte que le genre des personnes trans ne sera plus reconnu dans de nombreuses situations". L'avocate Ruth Crawford, qui représentait le gouvernement écossais, a de son côté regretté que les femmes transgenres "restent des hommes aux yeux de la loi jusqu'à leur mort".

Cette décision de la Cour suprême risque d'être "lourd de conséquences", a souligné la présidente de la Commission pour l'égalité et les droits de l'homme au Royaume-Uni citée par la BBC. Jeudi, la British Transport Police a ainsi annoncé que les femmes transgenres arrêtées seraient désormais fouillées par des agents de sexe masculin, rapporte Sky News. Un changement "provisoire", le temps d'examiner les implications de la décision. L'ONG Amnesty International estime que cette affaire pourrait être la "pointe de l'iceberg" dans l'affaiblissement d'autres droits.

3 Comment cette décision a été accueillie ?

A l'extérieur de la Cour suprême britannique, la décision a été accueillie par les cris de joie des soutiens de l'association For Women Scotland, qui ont salué "un grand jour". L'écrivaine J.K. Rowling, figure controversée du débat sur les droits des personnes trans, a salué une victoire pour les femmes et les filles, affirmant sur le réseau social X que ce jugement "protège leurs droits".

La cheffe du Parti conservateur britannique, Kemi Badenoch, s'est félicitée en assurant que "dire que 'les femmes trans sont des femmes' n'a jamais été vrai dans les faits et ne l'est plus non plus en droit". Le député conservateur Richard Holden a de son côté salué une décision "de bon sens", en appelant à l'inscrire dans la loi pour "éviter tout revirement futur", rapporte The Guardian.

Le gouvernement travailliste de Keir Starmer a estimé via un porte-parole que cette décision apporte de la "clarté (...) pour les femmes et les prestataires de service tels que les hôpitaux, les refuges et les clubs sportifs". Le Premier ministre écossais, John Swinney, a affirmé qu'il "acceptait" le jugement, tout en précisant qu'il allait "étudier les implications" de ce jugement.

Les associations redoutent désormais une instrumentalisation politique de cette décision, y compris hors du Royaume-Uni. Depuis son retour à la Maison Blanche, le président américain Donald Trump a notamment fait du durcissement des lois, dont celle encadrant les transitions chez les mineurs, l'une de ses priorités. Il avait aussi affirmé dans son discours d'investiture que les Etats-Unis ne reconnaîtraient plus que "deux sexes, masculin et féminin" définis à la naissance.

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