Des robots au semi-marathon de Pékin : un test pour "les rendre plus autonomes et plus réactifs"
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Sur des vidéos qui ont circulé ces dernières semaines en Chine, on voit un robot à l’entraînement, enchaînant les foulées sur le bitume. Sur le semi-marathon organisé dans le district de Daxing à Pékin, ils seront vingt comme cet engin, dotés d'une tête, de deux bras et de deux jambes avec des articulations.
Les constructeurs chinois veulent montrer l’avancée de leurs recherches dans ce secteur très concurrentiel avec un objectif stratégique sur le long terme : pallier le déficit de naissances à venir dans le pays et donc de main-d’œuvre. D'où l'espoir fondé sur ces robots, non pas pour gagner des courses mais pour jouer les ouvriers. L'analyse d'Olivier Stasse, spécialiste des robots humanoïdes au sein du Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes, à Toulouse (LAAS).
Franceinfo : Est-ce qu'il y a un véritable intérêt scientifique à faire participer à une course des robots contre des humains ?
Olivier Stasse : C'est vraiment intéressant. On se pose des questions notamment sur la capacité de ces robots à faire des efforts longs et s'ils sont capables de tenir en termes de chaleur. Nous avons déjà fait un projet avec un industriel pour leur faire faire un marathon. On s'est aperçu qu’à l'endroit où on devait le faire, c’était impossible parce que les températures étaient tellement hautes que l'électronique de puissance se serait mis en rideau. On a réessayé avec un autre laboratoire dans une chambre à température contrôlée. On s’est rendu compte qu'à 35°, 40°C, l’électronique interne surchauffait. Il y a une vraie question de la montée en température.
Sur cette expérience de semi-marathon, quelle peut être la performance sportive de ces robots ?
J’ai vu qu’en Chine, les premiers tests montraient que le robot pouvait parcourir le semi-marathon en 2h52. Je cours un peu et je peux vous dire qu’un coureur un peu entraîné le fait facilement en 1h45. Comparé à un être humain, on en est loin. En revanche, du point de vue technique, je vais regarder attentivement.
Où en est aujourd’hui cette technologie ? Un robot peut-il reproduire une foulée très proche de celle d’un humain ?
On est très loin du corps humain. Pour vous donner un ordre d'idée, un être humain utilise près de 200 muscles quand il marche, sachant que le corps humain a près de 600 muscles. La plupart de ces robots n’ont que 12 moteurs pour gérer les jambes. Et au maximum, ils ont 24 moteurs au total. Une comparaison avec l'être humain est ridicule de ce point de vue là. Moi ce qui m'intéresse, c'est plutôt ce que j'appelle l'intelligence incarnée : quand vous courez, vous évitez plein d'obstacles, il y a plein de choses qui se passent et vous les faites sans y penser. On en est à ce stade-là : rendre les robots plus autonomes et plus réactifs à ce qu’il se passe autour d’eux. C'est une plateforme fantastique.
Le fait que ce test se déroule en Chine, ça ne doit pas beaucoup vous surprendre ?
Il y a deux grands courants de robotique humanoïde. Ça a démarré aux États-Unis et en Chine. En Chine, c'est extrêmement impressionnant, il y a un gros investissement par le gouvernement chinois qui a construit une stratégie autour de la robotique humanoïde. Les Chinois font des robots humanoïdes de qualité exceptionnelle à des prix défiants toute concurrence. Le nôtre par exemple, on l’a acheté 120 000 euros. Aux États-Unis, ils ont des niveaux d'investissement pharaoniques, avec des partenariats sur des grands groupes industriels type BMW. Est-ce que ça va payer ? Est-ce que c'est une bulle ? Je n'en sais rien.
Et si le test sur cette course est réussi, quelles perspectives cela ouvre-t-il pour les prochaines années ?
Ça prouverait que cette technologie est capable de tenir longtemps, ce qui n’est pas évident. Par exemple, il y a un groupe aux États-Unis qui avait fait un gros moteur capable d’aller plus vite qu’un être humain mais qui se vide en 10 minutes parce que c'est extrêmement consommateur en énergie. Les Chinois ont investi beaucoup de temps à bien dimensionner les moteurs de façon à ce qu'ils puissent à la fois faire des choses utiles et à la fois être endurant et se rapprocher de caractéristiques presque humaines.
Dans un avenir plus ou moins long, cette technologie pourrait-elle avoir des applications dans la vie quotidienne ?
C'est une bonne question. Pour être purement factuel, une société comme Agility Robotics, pionnière dans cette technologie, cherche à utiliser le robot humanoïde dans des centres de logistique. Le robot humanoïde est intéressant dans des environnements qui n’ont pas été automatisés, donc qui ont été prévus pour l’homme.
Avoir par exemple des serveurs robots dans les restaurants, c’est du folklore ?
Ça fait quand même 15 ou 20 ans qu'on a essayé. Ce que l'on constate, c'est une première phase d'application où il y a l'aspect un petit peu fun. Et puis après, il y a la réalité : ce qui marche le mieux, ce sont les robots serveurs à roues. Mais ça veut dire qu'il ne faut pas avoir de marches, il faut s'assurer que le robot soit capable de bien construire une carte de l'environnement, que les gens jouent le jeu. Ce n’est pas évident qu’il y ait un gain meilleur que l’être humain.
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