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Témoignages
"Il agit comme s'il se prenait pour Dieu" : en Cisjordanie et en Israël, les propos de Donald Trump sur le "contrôle" de Gaza continuent à diviser
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La région en état de choc. Au lendemain des déclarations de Donald Trump, mardi 4 février, sur le transfert des Palestiniens de Gaza, les premiers concernés ont encore du mal à y croire. Les Israéliens, eux sont partagés entre laisser une chance à cette solution, après avoir tout essayé. Tandis que d'autres sont totalement méfiants envers le président américain.
Donald Trump a aussi annoncé qu'il se donnait quatre semaines pour se prononcer sur l'annexion de la Cisjordanie occupée. À Tourmousaya, village arabe du Nord de Ramallah, la révolte a laissé la place à l'incrédulité.
En Cisjordanie, les Palestiniens se méfient et les colons jubilent
Youssef, avocat palestinien, a vécu aux États-Unis. Il ne découvre donc pas le nouveau président américain et il refuse catégoriquement de prendre ses déclarations au pied de la lettre : "Qui est-il pour dire à ces gens de partir ? Il pense que quand il va leur dire de s'enfuir, ils vont faire leur bagage et quitter le territoire. Il agit comme s'il se prenait pour Dieu", dénonce-t-il.
Et pourtant, Youssef considère que jamais les Palestiniens n'ont été aussi près de tout perdre. Gaza bien sûr, mais aussi la Cisjordanie occupée que l'État hébreu pourrait bien annexer dans les quatre prochaines semaines. "Nous les Palestiniens, on a arrêté d'avoir peur depuis très très longtemps. Nous avons eu une mauvaise expérience en 1948 quand beaucoup d'entre nous ont été expulsés de leurs maisons, rappelle Youssef. Donald Trump s'est présenté comme un président qui veut la paix. Ce n'est pas en jetant les gens de chez eux que l'on obtient la paix. Parfois, la colère explose et ça peut avoir des conséquences imprévisibles. Il va y avoir des batailles, des pertes, des morts, mais on restera sur cette terre aussi longtemps que l'on pourra. Et même si on doit le payer de notre vie."
"Il ne considère malheureusement pas les Palestiniens comme des humains."
Youssef, Palestinien vivant en Cisjordanieà franceinfo
Ce combat à mort pour la terre, Youssef le partage avec des Israéliens, qui occupent illégalement une partie de la Cisjordanie depuis la fin des années 60. À quelques kilomètres de Tourmousaya, sur les hauteurs du village, se trouve la colonie israélienne de Shilo. Israël Medad s'y est installé dans les années 80, sur "la terre biblique des juifs", dit-il, qu'il appelle "la Judée Samarie". "Et bientôt, on appellera Gaza, MAGA Gaza, comme le slogan de Trump. Make Gaza Great again."
À plus de 80 ans, il jubile de voir les idées qu'il a toujours défendues portées par le dirigeant le plus puissant du monde. "C'est le moment de régler le problème, assure Israël Medad. On vit un tournant. L'agence des Nations Unies pour les réfugiés (Unrwa) et l'organisme humanitaire américain sont en train de disparaître. J'ai un grand sourire aujourd'hui parce que ça fait 40 ans que je défends ces idées. Des diplomates et beaucoup d'autres gens sont venus discuter avec moi depuis des années. Et ils pensaient peut-être que je n'avais pas toute ma tête. J'attends désormais qu'Israël soit la puissance souveraine sur ce territoire." Et Israël Medad sera encore patient s'il le faut, convaincu d'être porté par le souffle de l'histoire.
En Israël, une partie de la population convaincue
À Tel Aviv, passée la sidération, le projet surprise de Donald Trump occupe toutes les discussions des Israéliens. Mais il est difficile de déterminer s'ils y croient ou s'ils soutiennent le président américain. Deux sentiments distincts se dégagent néanmoins. Une moitié des personnes rencontrées par le reporter de franceinfo sur place, avec des parcours et des origines différentes, estime que c'est la moins mauvaise des solutions.
Beaucoup l'assurent : "On a tout essayé depuis des dizaines d'années, rien ne fonctionne. Alors, temporairement, on peut demander aux Palestiniens de quitter leurs terres." Et de façon surprenante, ceux qui pensent cela ne sont pas forcément d'extrême droite. Ces Israéliens pensent que Gaza est un champ de ruine, que c'est impossible de vivre dans ces conditions, que le Hamas capte toute l'aide humanitaire.
Selon eux, demander aux habitants de Gaza de quitter la Palestine pour aller en Égypte ou en Jordanie est une "bonne chose", pour les Palestiniens et pour les Israéliens.
"Maintenant c'est le bâton."
Max, Israélo-Américainà franceinfo
Pour l'autre moitié des personnes rencontrées, cette idée de déplacer des populations est abjecte, d'une part, et d'autre part, il ne faut pas tomber dans le panneau de Donald Trump. Les plus avertis sont les Américains ou les Israélo-Américains, ils savent décrypter le langage "Trump". Selon Max, tous ceux qui disent que "cette proposition est folle, que ça marchera jamais, que c'est immoral... se trompent totalement. Donald Trump sait très bien qu'il ne va pas pouvoir déplacer deux millions de personnes de Gaza pour en faire un 'country club'. Ce qu'il fait, c'est : 'voilà, ça, maintenant c'est le bâton, fini la carotte'." En d'autres termes, le président américain bluffe et cherche à pousser les Palestiniens dans leurs retranchements.
Mais compte tenu de l'histoire familiale de certains juifs israéliens, l'idée même d'imaginer ce déplacement de population dérange, comme Mérav. "De la même façon qu'autrefois, on pensait que si on tuait tous les juifs, ça résoudrait les problèmes de l'Europe, aujourd'hui, on se dit que si on déplace tous les Arabes, ça va résoudre nos problèmes à nous ? Ça ne marche pas comme ça."
Si le projet va à son terme, c'est de nature à lui donner envie de quitter Israël. Elle a un passeport portugais et si ce transfert de population était mené, elle ne pourrait plus vivre dans un pays qu'elle ne reconnaît plus.
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