Label Agri-Ethique : "Le prix qu'on va bâtir avec le producteur est complètement déconnecté des marchés", affirme le directeur général du premier label de commerce équitable français
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Depuis sa création il y a douze ans, Agri-Ethique s’impose comme un pionnier du commerce équitable en France, en mettant en place un modèle innovant de contrats à long terme entre producteurs, industriels et distributeurs. Ce label, qui couvre aujourd'hui plus de 773 produits alimentaires allant des lentilles aux œufs, vise à offrir une stabilité aux agriculteurs face aux volatilités des prix du marché, tout en garantissant aux consommateurs des prix maîtrisés. Dans un contexte économique incertain et avec une pression croissante sur les prix, Ludovic Granjon, directeur général d'Agri-Ethique, nous éclaire sur les enjeux de ce modèle et son impact pour l’avenir de l’agriculture française.
franceinfo : Ludovic Granjon, vous êtes le directeur général du label Agri-Ethique, premier label de commerce équitable français. Votre label est né il y a douze ans avec un objectif un s'assurer que les agriculteurs bénéficient d'un contrat de vente sur au moins trois ans pour lutter contre la volatilité des marchés. Quelques exemples des produits qu'on peut trouver en rayon : des chips, des lentilles, des œufs, des céréales, du miel. Je ne vais pas tout lister, il y a 773 produits. Que doit-on respecter pour être labellisés chez vous ?
Ludovic Granjon : C'est très simple, il faut que le contrat démarre du producteur. C’est-à-dire que les producteurs définissent leur prix sur la base de leur coût de production. Et ensuite vous avez tous les maillons de la chaîne qui doivent contractualiser. Par exemple, si on prend la filière farine, le meunier et puis l'industriel ou le boulanger qui va fabriquer le pain.
4600 agriculteurs. Combien d’industriels, combien de boulanger ?
Aujourd'hui, on a 44 marques, on a 1 000 boulangers artisans. 44 marques ça veut dire autant d'industriels derrière et 44 marques nationales et donc derrière plus de 1 000 boulangers artisans qui contractualisent sous le modèle Agri-Ethique.
Est-ce que le nombre de personnes qui veulent bénéficier de ce label augmente ?
Oui alors c'est vrai que les chiffres de l’année dernière étaient déjà excellents et cette année, je ne veux pas dévoiler, on va les dévoiler dans quinze jours.
On peut avoir une tendance ?
Les signaux sont extrêmement favorables. Le contexte actuel incite les agriculteurs, les industriels à rentrer dans notre dispositif.
Vous aviez 520 millions de chiffre d'affaires en 2024, en hausse de 14% sur un an. On est toujours sur ces tendances ?
On sera exactement sur la même tendance, voire même supérieure peut-être.
Effectivement, vous parlez du contexte actuel autour notamment des droits de douane américains, des revirements aussi du président Donald Trump. Quelles que soient les décisions prises, ça n'a pas d'impact pour les producteurs, pour les personnes que vous représentez ?
Exactement, parce que le prix qu'on va bâtir avec le producteur est complètement déconnecté des marchés. Vous le savez, les marchés financiers ont un impact sur le prix des matières premières.
"D'une part, on va venir protéger la rémunération du producteur et d'autre part, on va venir aussi protéger le pouvoir d'achat du consommateur. "
Ludovic Granjon, directeur général d'Agri-Ethiqueà franceinfo
Donc, c'est là où c'est extrêmement intéressant. Et donc finalement, les annonces de Donald Trump n'ont aucune incidence sur les filières équitables françaises Agri-Ethique.
Vous dites protéger le pouvoir d'achat du consommateur, mais est-ce que ça ne coûte pas quand même un peu plus cher ?
Non, justement, c'est là où on fait une erreur en fait. C’est-à-dire que quand on bâtit le prix, comme il est déconnecté des marchés financiers, finalement, quand vous avez une forte hausse des matières premières, le producteur, il ne va pas forcément bénéficier de cette hausse. Finalement, dans ce cas-là, on va protéger le pouvoir d'achat des consommateurs.
Si je vais faire mes courses dans un rayon où je cherche des lentilles ou du jambon, ce sera le même prix que ce qui n'est pas labellisé Agri-Ethique ?
Dans un contexte de marché haussier, oui, obligatoirement on va protéger le pouvoir d'achat des consommateurs. Dans un contexte de marché baissier, on va rester sur un prix de produit fini qui puisse rémunérer correctement le producteur.
La question du traité de libre-échange entre l'Union européenne et les pays du Mercosur d'Amérique latine est revenue sur la table avec le contexte qu'on évoquait à l'instant. La France assure qu'elle est toujours défavorable à ce projet d'accord en l'état. Pour vous, c'était non. C'est toujours non ?
C'est toujours non. Après, on n'est pas contre le libre-échange. À partir du moment où les règles sont les mêmes pour tout le monde, d'un point de vue social, d'un point de vue environnemental, on n'est pas opposé à ces échanges. Par contre, dans le cadre de l'accord du Mercosur, on voit bien que les règles ne sont pas les mêmes, donc on y est opposé.
S'il était révisé, qu'est-ce que vous changeriez ?
Déjà, il y a deux aspects. Il y a à la fois les règles sociales, c'est-à-dire la protection des agriculteurs sur ses territoires, mais aussi les règles sanitaires. Alors, quand je dis sanitaire, c'est la protection du consommateur et les règles environnementales, il faut qu'elles soient exactement les mêmes. Ce qui n'est pas du tout le cas aujourd'hui.
Je n'ai pas cité toutes les filières, tous les produits que vous représentez. Il y en a une dont on parle beaucoup, notamment aux Etats-Unis, c'est la question des œufs.
Oui, tout à fait. En effet, les œufs, c'est une réelle problématique en France. Aujourd’hui, on a un besoin en France de 300 élevages de poules pondeuses. Avec Agri-Ethique, avec notre label, aujourd'hui, on va engager plus de 20 éleveurs sur des contrats à dix ans. Alors pourquoi des contrats à dix ans ? C'est qu'on va intégrer dans le prix payé producteur l'amortissement du bâtiment qui permettra de mettre les poules et bien sûr la surface nécessaire pour avoir des poules de plein air. C'est là où c'est extrêmement intéressant.
Il y a d'autres filières dans lesquelles vous vous lancez ?
On aimerait lancer d'autres filières. On vient de lancer une filière canards au Salon de l'agriculture, on a lancé également une filière quinoa en équitable pour des spiritueux. L'objectif demain, alors déjà, je lance un appel national pour les œufs. On a besoin d'éleveurs de poules pondeuses en équitable, donc ils auront la garantie d'avoir une rémunération sur une période de dix ans, le temps de l'amortissement de leur bâtiment.
"Ce qu'on aimerait c'est lancer une filière sucre sur une filière française équitable parce qu'on a un besoin de cette matière dans nos produits équitables pour avoir un maximum d'ingrédients équitables dans nos produits fini."
Ludovic Granjon, directeur général d'Agri-Ethiqueà franceinfo
Vous avez déjà un peu répondu à la question en parlant de vos tendances, de vos chiffres à venir, mais vous sentez qu'il y a chez le consommateur français un désir de consommer équitable ?
Déjà la notion de juste rémunération reste un facteur intéressant appétant pour le consommateur, à condition que le prix soit au rendez-vous également. Ce qu'on voit surtout, c'est ce sont des agriculteurs et des industriels qui s'intéressent énormément au modèle dans ce contexte extrêmement chahuté, extrêmement fragile parce que d'une part, l'agriculteur a besoin de visibilité et d'autre part, l'industriel a besoin de sécuriser des approvisionnements de matières premières sur le territoire. C'est extrêmement important pour lui.
Vous parlez de juste rémunération. Il y a un serpent de mer législatif, c'est la loi et même les lois Egalim censées garantir une juste rémunération aux producteurs. Vous vous dites que vous pouvez aider, comment ?
Alors déjà, je pense que le message politique a été et est bon, c’est-à-dire que l'objectif même d’Egalim, c'est de rémunérer au juste prix l'agriculteur. Par contre, ce qu'il faut, c'est un engagement de l'ensemble des acteurs. Notre engagement, il va bien du producteur, sur la base d'un prix, d'un volume, d'une durée de trois ans jusqu'à la marque, voire jusqu'au distributeur.
"Il faut que l'ensemble des maillons s'engagent. Pourquoi? Parce qu'on sait très bien que si un des maillons ne s'engagent pas, ils vont encore avoir une appétence pour le marché et ils risqueraient de sortir du modèle pour revenir sur les marchés."
Ludovic Granjon, directeur général d'Agri-Ethiqueà franceinfo
Vous avez des échanges sur ces questions avec le gouvernement, avec des parlementaires ?
Bien sûr. On a eu l'occasion, pendant le salon de l’agriculture, d'échanger avec de nombreux parlementaires, Alexis Izard, Anne-Laure Babault, Richard Ramos, Julien Dive qui nous ont en effet sollicités pour pouvoir avoir notre retour d'expérience. Pour savoir finalement comment vous avez bâti ce modèle et quels retours d'expérience, on peut utiliser pour améliorer la loi EGALIM.
Vous avez des objectifs chiffrés à plus long terme pour l'avenir, une part de consommation ? Vous aimeriez que Combien de produits, quelle proportion soit labellisée ?
Aujourd'hui, on est déjà à 67% de part de marché des produits de commerce équitable français, ce qui est déjà extrêmement important. Là, on est à 520 millions d'euros. On va dévoiler nos chiffres, vous le savez, dans quelques semaines et je pense que l'année prochaine, on pourrait passer le milliard d'euros de produits Agri-Ethique labellisés Origine France. Ce qui serait quand même un cap symbolique, même si, vous le savez, c'est une aiguille dans une botte de foin au niveau des produits alimentaires français.
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