Des câbles sous-marins endommagés, des cyberattaques, une flotte fantôme... La mer Baltique, théâtre d'un inquiétant face-à-face entre Russie et pays de l'Otan

La Russie multiplie depuis des mois les opérations dans la mer Baltique : cyberattaques, câbles sous-marins sectionnés ou fortement endommagés. L’Otan répond par des opérations de surveillance et l'UE renforce la sécurité des câbles.
Article rédigé par franceinfo - Bruno Cadène
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Un bâtiment de la marine suédoise participe aux opérations de sécurisation de la mer Baltique, le 4 février 2025 (JOHAN NILSSON / TT NEWS AGENCY)
Un bâtiment de la marine suédoise participe aux opérations de sécurisation de la mer Baltique, le 4 février 2025 (JOHAN NILSSON / TT NEWS AGENCY)

Les pays, membres de l’Otan, qui entourent la mer Baltique (l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, l’Allemagne, le Danemark, la Suède et la Finlande) s'inquiètent de l’agressivité de la Russie. Avec l’adhésion récente de la Suède et la Finlande à l’organisation transatlantique, la mer Baltique est devenue "un lac de l’Otan" : le seul pays de la région baltique qui est un ennemi des forces de l’Otan est la Russie. Pour le secrétaire général de l’Otan, l’ancien Premier ministre néerlandais Mark Rutte, c'est clair : les membres de l’Otan ne se laisseront pas faire et prendront toutes les mesures "pour lutter contre des campagnes de cyberattaques, de tentatives d’assassinat et de sabotages." 
 
Le 26 janvier 2025, un câble sous-marin reliant la Suède et la Lettonie, dépendant du Centre de radio-télévision de Lettonie (LVRT), a été sectionné dans la mer entre Gotland (en Suède) et Ventspils (en Lettonie). Pour les pays autour de la mer Baltique, cette attaque est très inquiétante et très dangereuse. La Lettonie a dépêché un navire de guerre sur le lieu de l’avarie, et a identifié un navire "suspect" : le "Michalis San", un vraquier battant pavillon maltais parti depuis le port de Beja, en Algérie, et en route vers la Russie, selon les précisions données par l'amiral Maris Polencs, le commandant de la marine lettone. Le navire a été immobilisé par la marine lettonne. Les dommages sur le câble sont intervenus dans les eaux de la zone économique suédoise, à plus de 50 km de profondeur. L’Otan a aussitôt lancé une enquête. 

Tous les pays de la zone sont concernés 

Autre exemple : le 25 décembre 2024, une panne s'est produite sur un câble électrique sous-marin reliant la Finlande à l'Estonie. Les forces armées estoniennes ont lancé une opération navale pour protéger le câble sous-marin estonien. La Finlande a immédiatement arraisonné un navire soupçonné d’avoir provoqué une panne du câble électrique sous-marin de Estlink. Quatre câbles internet ont aussi été endommagés. Un bateau immatriculé sur l'île de Cook, l’"Eagle S.", a été arrêté à trente kilomètres d’Helsinki.

Deux semaines avant cette attaque, des câbles ont été sectionné aussi entre la Lituanie et la Suède et entre l’Allemagne et la Finlande. L’ancienne Première ministre estonienne, Kaja Kallas, désormais Haute représentante de l’Union européenne pour les Affaire étrangères et la Politique de sécurité a déclaré que l’"Eagle S." appartenait à "la flotte fantôme de la Russie, qui menace la sécurité et l’environnement, tout en finançant le budget militaire russe." Cet incident n’est pas exceptionnel. À tel point que l’Otan hausse le ton par rapport à la Russie. Même si le Kremlin dit n'être “pas concerné”.

La Russie et sa "flotte fantôme"

La Russie ne peut plus facilement vendre et livrer du gaz et du pétrole dans les pays de l’UE, à cause des sanctions de Bruxelles. Mais la Russie détourne cela grâce à une “flotte fantôme”. Il s’agit de bateaux avec des pavillons de complaisance qui naviguent pratiquement librement dans la mer Baltique. La police finlandaise, par exemple, a arrêté un pétrolier transportant du pétrole russe sans être un bateau russe. L'UE prépare des sanctions contre la “flotte fantôme” russe. 

"Nous ne pouvons pas assurer une protection à 100%, mais si nous envoyons un signal audacieux je pense que de tels incidents diminueront voire cesseront."

Le président letton, Edgars Rinkevics

L’Otan va renforcer sa surveillance de la mer Baltique 

L'Otan veut rassurer les pays de la zone baltique : le 14 janvier 2025, une réunion des membres de l’Otan de cette région a eu lieu à Helsinki, en Finlande. Mark Rutte, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, y a annoncé une mission de protection des câbles sous-marins. La protection des infrastructures “est de la plus haute importance”, ajoute Mark Rutte. 95% du trafic internet fonctionne via des câbles sous-marins, visés par ces attaques russes. L'Otan va renforcer sa surveillance en mer Baltique avec une flotte de drônes maritimes, des frégates et des avions de chasse et de patrouilles. Cette opération s’appellera "Sentinelle de la Baltique". La Commission européenne va proposer, elle, de renforcer la sécurité des câbles sous-marins et d'accroître les capacités de réparation rapide,
selon un plan d'action publié le 21 février.

Le président finlandais, Alexander Stubb, l’a précisé : "Nous réagirons de manière décisive lorsque des infrastructures critiques seront menacés dans notre voisinage, leur protection nécessite une action nationale et internationale". Juste après cette réunion d’Helsinki, le Premier ministre polonais, Donald Tusk, est venu à Oslo pour une visite officielle organisée par son homologue, le Premier ministre norvégien Jonas Gahr. Et les deux hommes n’ont pas hésité à citer la Russie. Donald Tusk a été direct : "Si quelque chose ressemble à un sabotage russe, si des Russes sont impliqués, si les pays de l’Otan et nos intérêts sont victimes, alors il s’agit d’un sabotage russe". Et pour Jonas Gahr : "Aujourd’hui, plus personne ne doute que la sécurité en mer Baltique est l’une des priorités et qu’elle résulte directement de la menace d’actions de détournement et de sabotage de la part de nos adversaires".    

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