: Cartes Visualisez les dépenses militaires des pays européens de l'Otan face à la menace de la Russie et la pression des Etats-Unis

"C'est le moment, pour nous, de reprendre le contrôle de l'Otan." La phrase est signée de Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, mardi 18 février, sur franceinfo. Mais quelle place occupe vraiment la France et l'Europe dans l'alliance transatlantique ? Alors que les discussions diplomatiques entre les Etats-Unis et la Russie s'accélèrent concernant la fin de la guerre en Ukraine et que Donald Trump réclame davantage d'investissements de la part des Européens, nous faisons le point sur les dépenses militaires des pays européens de l'Otan.

Trois pays se distinguent par leur budget consacré aux armées. Il s'agit de l'Allemagne, du Royaume-Uni et de la France, avec respectivement 97,686, 82,107 et 64,271 milliards de dollars dépensés en 2024, selon les estimations de l'Otan. Ces trois puissances sont suivies par la Pologne, l'Italie et l'Espagne.

Ces dix dernières années, les dépenses militaires ont augmenté dans tous ces pays, mais de manière très disparate. La France a ainsi renforcé son budget de l'ordre de 40% sur une décennie, alors que l'Allemagne l'a doublé et que la Pologne l'a quadruplé, notamment depuis l'invasion de l'Ukraine par son voisin russe.

Les pays proches de la Russie dépensent plus

Cette représentation des dépenses militaires, dominées par les grandes puissances européennes, masque des réalités plus complexes. Et pour cause, si l'on ramène ces montants aux produits intérieurs bruts (PIB) des différents pays, la carte se transforme totalement. Celle-ci montre que ce sont bien les pays d'Europe de l'Est, les plus proches de la Russie, qui font aujourd'hui les plus gros efforts en termes de dépenses militaires.

La Pologne est ainsi le pays européen qui investit le plus, à la mesure de sa richesse, pour la défense, avec plus de 4% de son PIB qui lui est dédiée. Viennent ensuite la Grèce, la Lettonie et l'Estonie, deux voisins de la Russie qui consacrent plus de 3% de leurs richesses aux dépenses militaires. Une démarcation forte selon la proximité avec Moscou que confirme Gesine Weber, chercheuse au think tank German Marshall Fund of the United States (GMF) à Paris.

"La différence entre les pays de l'est de l'Europe et ceux du sud s'explique notamment par le risque perçu d'être en première ligne face à la menace russe."

Gesine Weber, spécialiste de la défense européenne

à franceinfo

Dans la même logique, les pays scandinaves, comme la Finlande ou le Danemark, sont également de grands contributeurs aux dépenses militaires, à l'inverse de l'Espagne ou de l'Italie qui consacrent moins de 1,5% de leur PIB à leur armée. En moyenne, se rapprocher de 1 000 km de Moscou fait grimper les dépenses militaires de 0,6 point de pourcentage du PIB, selon un calcul de l'AFP à partir de chiffres de l'Otan.

Les Etats-Unis financent encore largement l'Otan

En Europe, les pays de l'Otan sont ainsi bien au-dessus de la barre de 2% du PIB consacré aux dépenses militaires lorsqu'ils sont proches de la frontière russe mais bien souvent en dessous lorsqu'ils en sont éloignés. Pourtant, tous s'étaient engagés à atteindre le chiffre de 2% du PIB en 2014, après l'annexion par la Russie de la péninsule ukrainienne de Crimée. A cette époque, seuls trois pays sur 32 respectaient ce seuil. Dix ans plus tard, en 2024, ils sont 23 sur 32.

Une montée en puissance jugée largement insuffisante pour Donald Trump. Le président américain réclame que les pays européens montent à 5% du PIB consacré aux dépenses militaires. Il faut dire que les Etats-Unis restent, et de loin, le plus gros contributeur de l'alliance transatlantique. Sur les 1 474 milliards de dollars consacrés par les 32 pays de l'Otan à leur défense, les deux tiers sont assurés par les Etats-Unis. C'est deux fois moins pour les pays européens, avec 463 milliards en 2024, selon les estimations de l'Otan.

Rapportés aux populations, ces chiffres montrent que chaque Américain dépense environ 2 890 dollars pour la défense, contre 1 891 environ pour chaque Européen dont le pays est membre de l'Otan. Mais les choses pourraient changer. Plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement du Vieux Continent ont annoncé ces dernières semaines qu'ils envisageaient d'augmenter leurs dépenses militaires.

Reste à connaître l'évolution de la position américaine. "Les Etats-Unis réclament que les Européens dépensent beaucoup plus, mais ils refusent toute participation à la réflexion sur une défense européenne", pointe Gesine Weber. Une récente étude du Parlement européen insiste également sur les économies qui pourraient être réalisées par les pays de l'Union européenne en collaborant sur les questions militaires. "La question n'est pas seulement combien on dépense, mais comment", prévient Gesine Weber.