Carte Zones interdites d'accès, contrôle des corridors, ordres d'évacuation... Visualisez l'offensive de l'armée israélienne dans la bande de Gaza

Article rédigé par Zoé Aucaigne
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Des soldats israéliens et des chars, près de la frontière sud d'Israël avec la bande de Gaza, le 6 mars 2025. (MENAHEM KAHANA / AFP)
Des soldats israéliens et des chars, près de la frontière sud d'Israël avec la bande de Gaza, le 6 mars 2025. (MENAHEM KAHANA / AFP)
Le ministre de la Défense israélien a affirmé dimanche que l'armée avait pris le contrôle total du corridor de Morag, dans le sud de l'enclave palestinienne, isolant la ville de Rafah du secteur de Khan Younès.

L'étau se resserre sur les Gazaouis. Le ministre de la Défense israélien, Israël Katz, a revendiqué, samedi 12 avril, la création d'un axe majeur de la bande de Gaza : le corridor de Morag, du nom d'une ancienne colonie juive, démantelée en 2005 lors du retrait israélien de l'enclave palestinienne. Ce couloir, long de 12 kilomètres, traverse le sud du territoire d'est en ouest, séparant les villes de Rafah et de Khan Younès. L'objectif de créer un tel couloir avait été brandi par Benyamin Nétanyahou dix jours plus tôt. "L'armée prend des territoires, frappe les terroristes et détruit les infrastructures", avait martelé le Premier ministre israélien.

Ce nouveau passage en force de l'Etat hébreu s'inscrit dans le cadre de la reprise de son offensive sur le territoire palestinien, le 18 mars, après deux mois de cessez-le-feu, dont la première phase s'était achevée début mars. "Les bombardements de cette nuit-là [du 18 au 19 mars] ont été parmi les plus féroces de la guerre à ce jour" et "le lendemain, les troupes terrestres israéliennes ont réintégré les zones de Gaza qu'elles avaient précédemment évacué (...) – un avertissement clair de nouvelles incursions", rappelle le groupe de réflexion International Crisis Group.

De la fumée s'élève au-dessus du camp de réfugiés de Nuseirat, dans la bande de Gaza, après une frappe israélienne, le 18 mars 2025. (HASSAN JEDI / ANADOLU / AFP)
De la fumée s'élève au-dessus du camp de réfugiés de Nuseirat, dans la bande de Gaza, après une frappe israélienne, le 18 mars 2025. (HASSAN JEDI / ANADOLU / AFP)

Le ministère de la Santé du Hamas a annoncé lundi qu'au moins 1 613 Palestiniens avaient été tués depuis le 18 mars, portant à plus de 50 000 le nombre de morts dans l'enclave depuis le début de la riposte israélienne à l'attaque du 7 Octobre, selon ses chiffres. De son côté, l'ONU a recensé "224 frappes israéliennes sur des immeubles résidentiels et des tentes de déplacés" entre le 18 mars et le 9 avril.

Un territoire de plus en plus morcelé

En presque un mois, Tsahal a émis 20 ordres d'évacuation à destination des Gazaouis, poussés à se réfugier dans des abris, d'après le bureau des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha). Environ 400 000 personnes ont été déplacées en trois semaines, selon les estimations du Groupe de coordination et de gestion des camps mondiaux – un nombre qui peut toutefois "inclure les individus déplacés plusieurs fois (...) et donc comptabilisés plus d'une fois". La situation inquiète les Nations unies : "La nature et la portée des ordres d'évacuation soulèvent de sérieuses questions quant à l'intention d'Israël d'exclure définitivement la population civile de ces zones afin de créer une 'zone tampon'", a affirmé le haut-commissariat de l'ONU aux droits de l'homme, le 11 avril.

Le découpage de la bande de Gaza au 8 avril 2025. (HELOISE KROB / FRANCEINFO / OCHA)
Le découpage de la bande de Gaza au 8 avril 2025. (HELOISE KROB / FRANCEINFO / OCHA)

Le 18 mars, le porte-parole de Tsahal avait publié sur X une carte de la bande de Gaza, striée d'une bande rouge en forme de U, longeant la frontière avec l'Etat hébreu. "Ces zones spécifiques sont considérées comme des zones de combat dangereuses (...) Vous devez évacuer immédiatement", écrivait-il à la population palestinienne. Cette bande de terre est qualifiée de "zone de sécurité" par l'armée israélienne, qui a affiché son objectif de "l'élargir", le 19 mars, via "des opérations terrestres ciblées". D'après l'Ocha, elle comprend désormais une large bande autour du couloir de Netzarim, ainsi que toute la zone entre Rafah et Khan Younès, ce qui n'était pas le cas avant le 18 mars. En tout, 65% de l'enclave "se trouvent dans des zones 'interdites', font l'objet d'un ordre de déplacement, ou les deux", ajoute le bureau onusien.

"Nous sommes passés à un régime dans lequel il existe des zones très étendues qui ressemblent à de grandes douves autour d'enclaves de plus en plus petites où se trouve la population gazaouie restante", a résumé Yaakov Garb, professeur d'études environnementales à l'université Ben Gourion en Israël, auprès du média américain NPR.

"Créer une étendue vide et complètement plate"

Dans un rapport publié début avril, l'ONG israélienne Breaking the Silence, fondée par des vétérans, expose le plan suivi par Tsahal depuis le 7 Octobre pour étendre la zone tampon, à partir de témoignages de militaires israéliens. "La mission confiée aux soldats sur le terrain consistait à créer une étendue vide et complètement plate d’environ un kilomètre de large le long de la barrière [qui sépare Israël de l'enclave], côté Gaza, est-il écrit dans le rapport. Cet espace ne devait comporter ni cultures, ni structures, ni habitants. La quasi-totalité des bâtiments, des infrastructures et des structures situés dans le périmètre ont été démolis."

La taille de cette zone, d'environ 300 mètres de large avant la guerre, fait désormais entre 800 et 1 500 mètres, note l'ONG. Et l'armée israélienne ne compte pas s'arrêter là. "Si le Hamas persiste dans son refus, l'activité de Tsahal s'intensifiera", a menacé Israël Katz dimanche sur X

"Gaza deviendra plus petite et plus isolée, et de plus en plus de ses habitants seront contraints d'évacuer les zones de combat."

Israël Katz, ministre de la Défense israélien

sur X

L'Etat hébreu justifie ses attaques par la volonté de récupérer les 58 otages toujours détenus par le Hamas dans l'enclave et d'anéantir le mouvement islamiste palestinien. Car il "reste opérationnel, bien que militairement affaibli. Il est toujours en mesure de tirer sur Israël, comme il l'a fait le 20 mars", pointe l'International Crisis Group. L’armée israélienne a par exemple justifié sa frappe sur l'hôpital al-Ahli, dimanche, par le fait qu'il abriterait "un complexe de commandement" du Hamas. Même chose quand l'ONU et le Croissant-Rouge palestinien l'ont accusé d'avoir ouvert le feu sur des ambulances le 23 mars à Rafah, tuant 15 secouristes. Tsahal a reconnu les tirs et annoncé des investigations, mais a affirmé que ses soldats avaient tiré sur des "terroristes". 

Néanmoins, en Israël, la colère monte chez une partie de l'opinion publique. Des centaines de soldats, vétérans du renseignement et universitaires ont signé une lettre appelant à l'arrêt des combats, davantage motivés par "des considérations personnelles et politiques" que "par la sécurité nationale" selon eux. Le Forum des familles d'otages israéliens avait pour sa part vivement réagi à l'intensification de l'opération militaire, le 2 avril : "A-t-il été décidé que nous sacrifierions des otages pour conquérir des terres ?" Pour le collectif, le retour des otages ne peut passer que par la négociation. Sans savoir si la pression populaire y est pour quelque chose, le Hamas a en tout cas annoncé, lundi, avoir reçu une proposition israélienne de trêve temporaire.

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.