Budget 2026 : tailler dans les niches fiscales "inutiles", un casse-tête en vue pour le gouvernement

Dans un contexte budgétaire difficile, la ministre des Comptes publics souhaite mettre fin à certains avantages fiscaux qui ne bénéficient qu'à un nombre très restreint de contribuables. Mais le manque de chiffrage et d'évaluation risque de lui compliquer la tâche.
Article rédigé par franceinfo
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La ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin, le 16 avril 2025 à Paris. (LUDOVIC MARIN / AFP)
La ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin, le 16 avril 2025 à Paris. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Le gouvernement se lance dans une nouvelle chasse au trésor. En ces temps de disette budgétaire, Amélie de Montchalin souhaite passer en revue les près de 470 niches fiscales en vigueur et "supprimer ce qui est inutile", a affirmé la ministre des Comptes publics, mercredi 16 avril sur TF1, sans toutefois préciser lesquelles seraient visées. "Il y a 85 milliards [d'euros] de niches fiscales. Si vous avez 10% de niches en moins, ça fait huit milliards", fait-elle valoir. Elle met ainsi en avant la suppression de certains de ces avantages fiscaux, qui permettent aux entreprises et aux contribuables de réduire le montant de leurs impôts. Objectif, augmenter les recettes de l'Etat sans pour autant alourdir les impôts, comme le gouvernement s'y est engagé.

Quelles niches fiscales sont dans le viseur de la ministre ? Si Amélie de Montchalin a refusé de révéler les pistes privilégiées par le gouvernement, elle a assuré que les "services à la personne, qui bénéficient à beaucoup de familles, beaucoup de personnes âgées", ou encore la "garde d'enfants" ne seraient pas concernés. Elle affirme se focaliser sur les "dizaines" de niches fiscales bénéficiant "à moins de 100 contribuables", voire qui "n'ont plus de bénéficiaires, parce qu'elles ne correspondent plus à l'économie d'aujourd'hui", sans donner de chiffres sur les recettes qu'engendrerait leur suppression. 

Le crédit d'impôt recherche en tête des niches fiscales

En attendant que le gouvernement y voie plus clair dans sa quête d'économies, une annexe au projet de loi de finances 2025 (PDF) donne quelques indices. Au total, ces quelque 470 niches fiscales, "dont 65 sont en cours d’extinction", représenteraient un coût de 85,1 milliards d'euros en 2025, soit 1,8 milliard d'euros de plus qu'en 2024, selon ce document. Parmi elles, "15 dépenses représentent à elles seules plus de 50% du coût total des dépenses fiscales". Les mesures les plus coûteuses sont le crédit d'impôt recherche, qui permet aux entreprises de financer leurs activités de recherche, de développement et d’innovation, dont le montant s'élève à 7,7 milliards d'euros, suivi des services à la personne (6,86 milliards d'euros) et de l'abattement sur les pensions alimentaires et de retraite (4,96 milliards d'euros).

Cette annexe dévoile aussi une liste des niches fiscales qui correspond aux critères évoqués par Amélie de Montchalin. Même si un grand nombre d'entre elles ne sont pas détaillées faute de données, on y apprend que l'"exonération de l'indemnité de départ volontaire versée dans le cadre d'une restructuration ou d'une réorganisation du ministère de la Défense" concerne 51 ménages, pour un montant qui n'est pas précisé. En outre, seules 84 firmes du jeu vidéo profitent d'un crédit d'impôt spécifique, et 26 entreprises bénéficient de la "déduction exceptionnelle en faveur des simulateurs d'apprentissage de la conduite", pour un montant indéterminé.

Trente-six niches ne concernent aucun bénéficiaire

Parmi les niches fiscales qui profitent à "0 bénéficiaire" figure notamment l'étalement sur quatre ans de l'imposition du montant des primes versées par l'Etat aux sportifs médaillés aux Jeux olympiques et paralympiques et à leur guide, qui avait fait couler beaucoup d'encre au moment des Jeux de Paris. Mais les Jeux s'étant achevés au mois de septembre 2024, il est encore difficile de savoir combien d'athlètes choisiront d'avoir recours à ce dispositif.

D'autres mesures moins médiatiques, concernant les milieux agricole ou économique, sont dans le même cas. Par exemple, la réduction d’impôt sur le revenu au titre des souscriptions au capital de jeunes entreprises innovantes, l'exonération partielle des indemnités journalières versées aux exploitants agricoles au titre d'un régime d'assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, ou encore l'exonération d’impôt sur le revenu des dividendes capitalisés sur un plan d’épargne avenir climat. Au total, ce document dénombre 36 niches avec un nombre de bénéficiaires égal à zéro.

Des dispositions difficiles à chiffrer

Toutefois, beaucoup de niches figurant sur ce document n'ont pas de montant ou de bénéficiaires chiffrés, laissant présager quelques difficultés pour identifier les mesures fiscales concernant moins de 100 contribuables. "En dépit des ambitions affichées et d’incontestables progrès en 2023, peu de dépenses fiscales sont évaluées", pointait déjà la Cour des comptes en avril 2024 (PDF), mentionnant un chiffrage de ces niches "défaillant". Les magistrats appelaient à ce que "l’action menée pour évaluer et réduire en conséquence les dépenses fiscales [soit] relancée".

En outre, toutes ces niches fiscales ne sont pas forcément "inutiles", pour reprendre les mots de la ministre. "Le but d’une niche fiscale, c’est de créer un avantage fiscal pour produire de la valeur et de la croissance", rappelle Anne-Sophie Alsif, professeure d’économie à la Sorbonne, auprès de Public Sénat. "Donc, en cas de suppression ou de réduction d’une dépense fiscale, des économies sont faites, mais cela aura un impact négatif sur le produit intérieur brut."

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