Budget 2026 : quatre questions sur la suppression de l'abattement fiscal des retraités, envisagée par le gouvernement

Dans un contexte d'austérité, le gouvernement a évoqué la possibilité de faire disparaître l'abattement fiscal de 10% sur les pensions des retraités. Une mesure contestée, qui permettrait d'économiser plusieurs milliards d'euros.
Article rédigé par Linh-Lan Dao
France Télévisions
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Supprimer l'abattement fiscal appliqué aux pensions de retraites n'est pas un "tabou", a assuré le ministre de l'Economie, Eric Lombard. (MICHAEL NGUYEN / NURPHOTO / AFP)
Supprimer l'abattement fiscal appliqué aux pensions de retraites n'est pas un "tabou", a assuré le ministre de l'Economie, Eric Lombard. (MICHAEL NGUYEN / NURPHOTO / AFP)

Dans sa traque aux niches fiscales jugées "inutiles", le gouvernement suit une piste politiquement risquée. La ministre des Comptes publics n'a pas écarté l'idée de supprimer l'abattement fiscal de 10% sur les revenus des retraités, samedi 19 avril, dans une interview au Parisien dans laquelle elle évoque le contexte budgétaire difficile. "Je pense, à titre personnel, qu'on ne peut pas indéfiniment mettre à contribution les actifs pour financer les nouvelles dépenses sociales liées au vieillissement", explique Amélie de Montchalin, plaidant, en creux, pour une contribution des retraités. "Ce n'est pas votre âge qui doit définir votre contribution, mais aussi les moyens dont vous disposez", ajoute-t-elle.

La possibilité de supprimer cet abattement est une des pistes envisagées par l'exécutif, qui veut réaliser 40 milliards d'euros d'économie dans le cadre du budget 2026 pour réduire le déficit public. Amélie de Montchalin n'est pas la seule ministre à évoquer cette hypothèse qui risque de mécontenter une partie de l'électorat. Franceinfo vous résume le débat autour de cette proposition.

1 En quoi consiste cet abattement ? 

Aujourd'hui, les retraités bénéficient d'un abattement fiscal de 10% sur leurs pensions. Il s'applique également aux personnes qui touchent une pension alimentaire ou une pension d'invalidité. Automatiquement appliqué sur leur déclaration pré-remplie, il est plafonné à 4 399 euros par foyer en 2025, selon le site des impôts.

Il ne doit pas être confondu avec la déduction fiscale forfaitaire de 10% dont bénéficient les salariés au titre de leurs frais professionnels, qui peut atteindre 14 426 euros, selon le ministère de l'Economie.

L'abattement dont bénéficient les retraités, créé en 1978, a été mis en place pour "alléger la charge fiscale des contribuables titulaires de pensions, retraites ou rentes", avec l'argument que "les revenus des retraités (...) échappaient à tout risque de sous-déclaration", puisqu'ils sont déclarés par les caisses de retraites, "contrairement à d'autres revenus", selon le syndicat Unsa-Retraités.

2 Pourquoi est-il remis en cause ? 

Le gouvernement cherche à renflouer les caisses de l'Etat. Alors, où trouver les "40 milliards d'euros d'efforts supplémentaires" annoncés par le ministre de l'Economie, Eric Lombard ? Selon un rapport de la Cour des comptes, l'abattement de 10% sur les pensions a coûté 4,5 milliards d'euros aux finances publiques en 2023 (en incluant les pensions alimentaires et d'invalidité).

Mercredi, sur franceinfo, le ministre de l'Économie avait estimé que le supprimer pour les retraités n'était pas "tabou". Il a souligné la différence de contribution entre les Français actifs et retraités. "Jusqu'à 60 ans, on perçoit assez peu de l'État", a-t-il fait valoir. "Dès qu'on dépasse 60 ans, on touche beaucoup plus de l'État, parce qu'on perçoit une retraite et qu'on est plus malade. Et en même temps, on contribue beaucoup moins" en termes de prélèvements obligatoires.

3 Qui sont les soutiens et les détracteurs de cette option ?

Le gouvernement n'est pas le premier à évoquer cette mesure. Le président du Conseil d'orientation des retraites (COR), l'économiste Gilbert Cette, considéré comme proche d'Emmanuel Macron, s'était déjà déclaré favorable à la suppression de cet abattement fiscal dès janvier. Le président du Medef, Patrick Martin, l'avait aussi jugé "contre-nature" et "aberrant".

Interrogé sur les propos d'Amélie de Montchalin, dimanche, le porte-parole du Rassemblement national Thomas Ménagé a en revanche jugé que cette mesure était une "très mauvaise idée" et s'est dit "profondément choqué", sur France Inter et franceinfo. "Avant d'aller taper dans la poche des retraités, faisons des économies structurelles", a-t-il plaidé. 

Fin mars, neuf syndicats (donc la CGT, FO, la CFTC...) avait dénoncé dans un communiqué conjoint la "stigmatisation" des retraités, reprochant au gouvernement de "continuer d'exonérer les très riches d'impôts et de cotisations". L'Unsa-Retraités a également défendu le maintien de cet abattement.

La secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, s'était montrée plus nuancée dans un entretien à La Tribune Dimanche en mars. "Je suis d'accord avec l'idée qu'il faut un partage des efforts auprès de tous ceux qui le peuvent, les actifs, mais aussi ceux déjà à la retraite", répondait-elle, ajoutant que "la question des 10% d'abattement dont bénéficient les retraités se regarde..."

4 Quelles seraient les conséquences pour les retraités ? 

Si cette piste est retenue, il y aura "toute une frange de retraités durement pénalisée", anticipe Sylvain Denis, président d'honneur de la Fédération nationale des associations de retraités sur franceinfo. Selon l'Unsa-Retraités, le taux d'imposition pourrait augmenter pour environ 8,4 millions de retraités (soit la moitié des 16 millions de retraités français). Le syndicat ajoute que "certains économistes parlent de 500 000" retraités qui deviendraient imposables alors qu'ils ne le sont pas aujourd'hui.

Selon une simulation du site spécialisé Moneyvox citée par France 2, un retraité célibataire avec un revenu de 1 200 euros par mois ne paierait toujours pas d'impôts en cas de suppression de l'abattement fiscal. En revanche, un retraité touchant une pension de 1 542 euros devrait payer 272 euros d'impôt, avance l'Unsa-retraités. 

Pour Mathieu Plane, économiste et directeur adjoint du département analyse et prévision de l'OFCE, interrogé par France 2, cette mesure serait plus juste qu'une sous-indexation des pensions sur l'inflation, envisagée un temps par le gouvernement pour le budget 2025 : "Les plus modestes, le bas de la classe moyenne des retraités, ne va pas être concerné, parce que ces retraités-là ne payaient déjà pas d'impôts, donc ne bénéficiaient pas de cet abattement fiscal. Par contre, les retraités qui sont en haut de la classe moyenne, voire assez aisés, vont être les principaux perdants", estime-t-il.

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